Les Juifs sont-ils différents des autres face à la dépression ? En partie seulement. Selon l’étude publiée en 1997 par les psychiatres américains I. Levav, R. Kohn et M. Golding, si l'épidémiologie de la dépression chez la femme juive ne permet de distinguer aucune différence par rapport à d'autres populations confessionnelles, il en va autrement pour l'homme. En effet, la fréquence de la dépression y est plus importante, avec comme résultat une égalité de vulnérabilité entre les sexes (contrairement à l'habituelle proportion de 1 pour 2). Serait-ce le prix à payer pour une moindre morbidité alcoolique ou toxicomaniaque chez les Juifs ? C'est en tout cas l'explication avancée par ces chercheurs.
La Bible elle-même présente à travers ses récits, le portrait de plusieurs personnages dépressifs, à tel point qu'ils ont désiré la mort. Il en va ainsi du prophète Elie. Fatigué, il s'écrie : "C'est assez ! Maintenant, Eternel, prends mon âme" (1 Rois 19, 4). Aussitôt, Dieu vient à son secours. Il lui apporte des aliments pour lui rendre des forces. Il parle doucement à son coeur pour lui redonner du courage.
Jonas, un autre prophète, se met en colère parce que Dieu fait grâce aux habitants d'une grande ville qui lui ont demandé pardon alors qu’ils devaient être punis : "Il demanda la mort pour son âme, et dit : Mieux me vaut la mort que la vie" (Jonas 4, 8). Dieu prend la peine d'expliquer à Jonas la raison de sa miséricorde : c'est sa bonté envers les hommes et sa pitié pour toutes ses créatures, enfants et animaux.
Et Job, frappé par le deuil et la maladie, attend une mort qui ne vient pas et se lamente : "Mon âme est dégoûtée de ma vie ... je parlerai dans l'amertume de mon âme, je dirai à Dieu : fais-moi savoir pourquoi ..." (Job 10, 1-2). Alors Dieu lui parle de vie et lui montre sa tendresse et ses soins pour la moindre de ses créatures. Job peut dire enfin : "Il a délivré mon âme ... et ma vie verra la lumière" (Job 33, 28).
Enfin, le roi David, connu pour ses périodes de grand abattement, exprime ses états d’âmes tristes à travers ses psaumes en cherchant le réconfort et le soutien de dieu.
Une maladie plus spécifiquement féminine
Globalement, la dépression touche plus de femmes que d’hommes. Les femmes qui ne travaillent pas et qui restent à la maison pour s'occuper des enfants en bas âge sont plus susceptibles d’en être atteintes, particulièrement lorsque la garde des enfants et des problèmes d'argent entrent en ligne de compte.
En mars 2007, le journal Maariv a publié un sondage qui révélait que la moitié des femmes israéliennes étaient au bord de la dépression. 2/3 des femmes interrogées dans le cadre de cette enquête affirmaient qu’il y n’avait pas d’égalité dans leur foyer entre femmes et hommes. Seuls 36% des femmes ont affirmé que leur conjoint participaient aux contraintes du foyer (ménage, cuisine, etc.).
La même année, une autre enquête israélienne indiquait que 29% des Israéliennes étaient potentiellement en dépression contre 19% des Israéliens.
Les chiffres de la dépression en Israël
Israël a un taux de dépressifs supérieur à celui de l’Europe de l’Ouest. On estime qu’à tout moment à travers le pays, 250.000 personnes souffrent de dépression, ce qui représente 8,5% de l’ensemble des Israéliens. Ce chiffre dépasse celui des malades atteints du cancer ou de diabète.
En 2004, les médecins de famille diagnostiquaient en moyenne 24 cas de dépression légère par mois.
Toujours d’après la même étude, pour les jeunes de 20 ans, le potentiel dépressif monte à 44% contre 9% pour les plus de 50 ans. 30 % des personnes de niveau d’éducation moyen ou bas présentent un potentiel dépressif contre 18% pour le niveau d’éducation supérieur. Les célibataires sont 44% à avoir un potentiel dépressif contre 14% pour les gens mariés.
Seuls 7% de l’ensemble des Israéliens déclarent souffrir de dépression aujourd’hui contre 3,5% à en avoir souffert dans le passé. 76,6% de la population affirment ne pas en souffrir actuellement ni par le passé.
Parmi les causes avouées de dépression, 36% sont dus à des problèmes d’origine familiale ou des problèmes de couple, 35% sont dus à des problèmes d’ordre général, 27% sont dus à des problèmes de santé, 22% sont d’ordre professionnel, 20% sont dus aux problèmes liés à la situation sécuritaire. Près de la moitié des malades s’est faite aidée d’une manière ou d’une autre : 35% par la famille ou des amis 28% par des professionnels. Les ¾ des dépressifs n’utilisent pas de médicaments. Cependant, 2,3 millions d’ordonnances pour des antidépresseurs ont été prescrites l’an passé.
Plus de la moitié des personnes atteintes de dépression l’ont été pendant une semaine ou moins, 12% de 2 à 3 semaines et 34% pendant un mois ou plus.
Au total, la dépression fait perdre en moyenne près de 3 jours de travail par an par malade ce qui équivaut à une perte de 70.000 jours par an et coûte à l’économie israélienne 593 shekels par jour d’absence par personne pour un total de plus d’un milliard de shekels par an.
Noémie Grynberg 2008