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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

La médecine d’urgence

Israel a développé depuis des années une médecine d’urgence efficace. Grace à un réseau de structures adaptées, tous les blessés d’attentats ou d’opérations militaires sont soignés au plus vite dans ces unités spécialisées très performantes.

Dans un environnement de danger permanant, la Médecine d'urgence se veut une discipline conçue pour répondre immédiatement aux besoins vitaux lorsque l'une des trois principales fonctions du corps humain - le système respiratoire, hémodynamique ou nerveux/conscient – se trouve gravement touchée. Les équipes spécialisées interviennent directement lors d’un blocage respiratoire, d’une arythmie, d’une insuffisance cardiaque ou d’un accident vasculaire cérébral. Ikhoud hatsala
La médecine d’urgence ne s’improvise pas. Elle est dispensée par des professionnels spécialement formés : secouristes, ambulanciers et médecins de diverses spécialités. L'objectif de ces unités vise à stabiliser l’état du patient, si possible jusqu’à l'arrivée imminente à l'hôpital, ou du moins d’empêcher sa détérioration pouvant causer d'autres dommages.
En Israel, il existe plusieurs structures intervenant dans ces cas extrêmes : 26 services d’urgences générales au sein des grands hôpitaux du pays (dont Hadassa à Jérusalem, Bellinson à Petah Tikva, Shiba à Ramat Gan, Soroka à Béer Sheva) qui dispensent les premiers soins (traumatologie, chirurgie, orthopédie, cardiologie), les unités de soins intensifs/réanimation, le réseau des centres de soins Terem et des ONG comme Ikhoud Hatzalah.
Cette dernière, créée en 2006, est la plus grande organisation bénévole nationale indépendante sans but lucratif du pays, reconnue d’utilité publique par le Ministère de la Santé. Sous la supervision d’un Comité de 70 rabbins, elle a pour mission d’aider à sauver des vies en offrant gratuitement des services médicaux professionnels de première urgence, en conformité avec la Halakha. Elle compte plus de 3000 volontaires à travers Israël : auxiliaires médicaux, infirmiers et médecins.
Grâce à sa technologie GPS unique et à ses 420 ambucycles (motos médicalement équipées), son temps de réponse moyen est de 3 minutes. Le but est d'arriver sur les lieux d’urgences le plus tôt possible et de fournir aux patients une aide médicale appropriée jusqu'à ce que les ambulances arrivent.

Le réseau Terem
La première clinique a été créée à Jérusalem en 1989 par le Dr David Applebaum, un orthodoxe originaire de Detroit aux Etats-Unis, devenu directeur des urgences de l’hôpital Shaarei Tzedek à Jérusalem. Au fil des ans, d'autres branches de Terem se sont ouvertes dans plusieurs villes du pays. En 2003, lors de la seconde Intifada, le médecin et sa fille ont été tués dans l’attentat meurtrier du café Hillel dans la capitale. Mais son œuvre perdure.
Ainsi, grâce aux nombreux centres médicaux Terem à travers tout Israel, plus besoin de se précipiter à l’hôpital où les urgences sont souvent engorgées et les heures d’attentes longues. Sans compter les risques de contamination.
En effet, Terem est le premier pourvoyeur de soins d'urgence du pays pour les cas où la vie n’est pas immédiatement en danger ou qui ne nécessitent pas d'hospitalisation. Tous les praticiens de ce réseau sont formés en médecine d'urgence, certifiés en réanimation cardiorespiratoire et en secours pédiatrique.
Avec ses 17 succursales dans la région de Jérusalem (Ma'ale Adumim, Modi'in, Beit Shemesh), de Tel-Aviv, Bnei Brak, Carmiel, Kiryat Gat et Ashdod entre autres, Terem offre un service complet de qualité et rigoureux, rapide (la plupart des attentes durent moins d'une heure) et professionnel qui réduit la pression des salles d'urgence des hôpitaux.
Les centres de soins sont équipés de d’appareils d’imagerie, de laboratoire d’analyses et pratiquent des téléconsultations à distance afin de traiter les patients rapidement sans besoin de se déplacer. A cette fin, Terem a développé un système de dossier médical exclusif permettant le partage en ligne de tous les résultats d’examens et des dossiers médicaux entre patients, médecins et Caisses maladie. En effet, tous les traitements dispensés sont pris en charge par les Koupot Holim.
De la sorte, le taux d’encombrement des urgences à Jérusalem a été réduit de plus de 40% et de 36% par rapport à la moyenne nationale dans les autres zones où opère Terem.
Avec plus de 25 ans d'expérience et près de 800 personnels de santé, le réseau a acquis une expertise unique en matière de soins d'urgence mais aussi d'urgence ambulatoire.

Un don de soi complet
1 Le Professeur Patrick Sorkine, ancien chef du département des soins intensifs de l’hôpital Icholov de Tel Aviv est sans conteste une figure importante de la médecine d’urgence israélienne. Aujourd’hui, le docteur Sorkine travaille au département des soins intensifs de l’hôpital Maanei Hayeshoua de Bne Brak et comme bénévole à l’association Hatzalah.

En quoi consiste votre travail ?
Professeur Patrick Sorkine
: La réanimation concerne les blessés en grandes difficultés dont les organes vitaux sont touchés : cœur, poumon, cerveau. Le service de soins intensif demande donc des gens compétant pour suivre l’évolution des patients, notamment leur pression artérielle, leur rythme cardiaque. Ces unités hospitalières sont en faits des services de haute technologie.

Quelle est la place de la médecine d’urgence israélienne dans le monde ?
Pr. Sorkine
: A cause de la situation, Israel possède une grande expérience en traumatologie.

Qu’a-t-elle de spécifique ?
Pr. Sorkine
: La médecine d’urgence est une spécialité en elle-même bien qu’elle ne soit pas vraiment reconnue en Israel. Il existe deux formations : la première est une spécialisation en médecine interne, pédiatrique ou chirurgicale avec une prise en charge des malades aigus ; la seconde, une spécialisation en médecine d’urgence dans les différentes disciplines évoquées. Concrètement, lorsque des blessés arrivent à l’hôpital, les premiers gestes consistent en une investigation générale de leur état : scanner, radios, etc. pour affiner le diagnostic afin de dispatcher les patients dans les différents services : médecine interne, médecine respiratoire, chirurgie, etc.

Qu’est-ce qui fait un bon urgentiste ?
Pr. Sorkine
: D’abord être un bon médecin. Savoir reconnaitre les problèmes aigus. En Israel, il est difficile d’exercer en tant qu’urgentiste à cause des conditions matérielles. Les urgences sont surchargées.

Qu’est-ce qui différencie la médecine d’urgence des soins intensifs ?
Pr. Sorkine
: Les deux travaillent en coopération. Elles se révèlent complémentaires. La différence, c’est que le médecin urgentiste ne s’occupe pas du suivi des patients.

Comment cela se passe-t-il lorsque vous recevez des blessés d’attentats ?
Pr. Sorkine
: Généralement, le Magen David Adom prévient les services lors d’un événement grave et amène les blessés. Les équipes entrainées – traumatologues et urgentistes entre autres - sont mobilisées et les plateaux techniques opérationnels. Les diagnostics sont rapidement établis afin de stabiliser l’état des patients, avant de les diriger vers les services adéquats.

Quelle différence y a-t-il entre les soins intensifs hospitaliers et l’urgence sur le terrain comme Ikhoud Hatzala ?
Pr. Sorkine
: Sur place, il faut aller très vite. Il n’y a pas vraiment de soin. Il s’agit plutôt d’évacuation sanitaire.

Considérez-vous votre travail comme une mission ?
Pr. Sorkine
: Absolument. Dans les différents types d’urgence et en réanimation, le médecin est confronté à une astreinte de toutes les heures, 365 jours par an, pendant des longues années. C’est ce qui rend la médecine hospitalière plus difficile. Elle demande un don de soi complet.


Noémie Grynberg 2016

 

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