Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Comment choisir son école juive en 2011 ?

Selon le Docteur Erik H. Cohen, sociologue et Professeur à l’Université Bar-Ilan, depuis 1945, l’école juive a subi une évolution. Aujourd’hui les élèves qui fréquentent ces établissements sont 100 fois plus nombreux qu’au sortir de la Shoah. Il estime que 30% des enfants juifs de France étudient en école juive. Avec l’augmentation de la fréquentation scolaire communautaire, le nombre de places disponibles s’est vu insuffisant.

Pour le Docteur Cohen, le choix d’une école juive repose sur axes : la typologie du public ou la catégorisation des valeurs.
La typologie du public dépend avant tout de la nature de son milieu religieux et de l’importance qu’il accorde à la pratique, au rapport avec Israël, etc. Parmi la population des parents, on peut distinguer 5 catégories. Pour la première, la population classique très religieuse, c’est-à-dire le noyau communautaire, le choix de l’école juive est indiscutable. Pour cela, ce public est prêt à tous les efforts malgré la non proximité ou le prix.
La seconde catégorie, composée des traditionalistes qui aime la religion, les fêtes, les coutumes, attend de l’école juive qu’elle donne à leur enfants plus que ce qu’ils reçoivent à la maison. Pour cette population, le choix de l’établissement est surtout guidé par la qualité de l’enseignement, du kodesh, des relations professeurs/élèves, etc.
Le troisième groupe est constitué d’’ethno-juifs’’, une population pas très religieuse mais qui a une bonne image de l’école juive. Pour lui, le choix se décide non pas en fonction des heures de kodesh ou d’histoire juive mais plus par rapport à l’ambiance. Ce qui compte, c’est que les enfants soient entre Juifs, que l’école soit sympathique, que la nourriture soit casher et que l’on célèbre les fêtes. Le judaïsme est vu comme positif.
La quatrième catégorie regroupe des parents déçus des écoles laïques et de l’antisémitisme qui y règne. Pour elle, l’école juive représente surtout un abri. Cette population n’exprime pas de critère particulier quant au choix de l’école, pourvu qu’elle soit juive.
En fin, la dernière population rassemble des personnes ‘’presque par hasard’’ à savoir qu’elle n’est pas à priori intéressée particulièrement par une école juive mais s’il en existe une à proximité, alors pourquoi pas.
Quant au classement par ordre d’importance des critères de choix, les résultats scolaires s’avèrent le premier paramètre de sélection des parents. En effet, suite aux performances accrues de l’école juive par rapport au passé, de plus en plus d’élèves intègrent par la suite de Grandes Ecoles. Ensuite vient la demande d’une éducation juive très poussée, puis l’importance du contact avec Israël. Ainsi, l’alliance des 3 critères principaux (académique, juif et social) représente l’essentiel qui détermine le choix des parents. Derrière arrivent les questions de proximité et de prix. Enfin, en bas du tableau apparaissent les données concernant la personnalité du Rav ou la mouvance de l’école, sauf dans quels cas très pointus.

Après l’approche sociologique, qu’en est-il de l’approche qualitative des responsables scolaires ? Le Rav Amar d’Epinay confirme que les parents juifs préfèrent envoyer leurs enfants en écoles juives du fait de la diversité ethnique concentrée dans le système scolaire public français. Selon lui, le principal déterminant du choix se situe au niveau du prix de la scolarité. En effet, les frais s’élèvent à 250/300 euros par mois en moyenne. Ce qui représente un budget conséquent pour des familles nombreuses. Cela est encore plus vrai depuis la crise d’il y a deux ans. Ensuite viennent les paramètres de proximité et de niveau d’enseignement. Pour les familles religieuses orthodoxes, le degré de pratique rentre également en compte. Elles souhaitent que leurs enfants restent dans un environnement proche du leur. Pour les orthodoxes et les traditionalistes, le nombre d’heures destinées au kodesh est aussi capital. D’après le Rav Amar, à sa connaissance aucun parent ne s’est plaint de trop d’heures de matières juives. Par contre, toutes les écoles juives enseignent les matières principales, qu’elles soient ou non sous contrat. Celles hors contrat avec l’Etat dépendent cependant d’une académie et donc dispensent tout de même des cours de français, de mathématique et d’anglais en plus du kodesh. En conséquence, les matières inculquées ne constituent pas un critère essentiel dans le choix de l’école. En France, le statut de Rav n’est pas identique à celui en Israël. Il est moins central. Ainsi, les parents se basent davantage sur la qualité des enseignants que sur la personnalité du rabbin pour définir leur préférence. La notoriété du Rav n’est pas très influente quant au choix de l’école. Enfin, le critère de la mixité peut jouer surtout pour le public orthodoxe qui préfère des écoles séparées pour filles et garçons. Par exemple, Lucien de Hirsch, Yavné ou Maimonide sont des établissements mixtes alors que ceux d’Otzar Hatora ou de Or Yossef ne le sont pas.

La communauté juive de Marseille diffère de celle de Paris d’abord parce que la cité phocéenne est plus grande que la capitale, ensuite parce qu’elle ne connait pas le même phénomène des banlieues. La communauté marseillaise est donc plus condensée en centre ville et moins éparpillée qu’à Paris. Les 3 grandes écoles de la ville (Yavné, Gan Ani, Bné Eléazar) se trouvent dans un périmètre plus restreint. Une autre particularité de la communauté phocéenne est sont niveau social plus bas que celui de la communauté parisienne. A Marseille, elle compte moins de professions libérales et plus de commerçants. Les Juifs y sont moins aisés, plus populaires, ce qui implique un moins grand élitisme qu’à Paris. La cité phocéenne n’a pas d’école vraiment élective du genre de Maimonide à Boulogne.
Autre souci du Rabbinat de Marseille, celui de la grande proportion d’assimilation due au manque de structures suffisantes pour les jeunes. Jusqu’à dernièrement, la jeunesse a un peu été oubliée. De ce fait, beaucoup d’enfants juifs étudient dans le système public français. Or il s’avère difficile de mettre en place une politique pour récupérer les enfants suivant un cursus en écoles laïques.
Selon le Rabbinat de Marseille, le contexte socio-éducatif des écoles juives diffère de celui de l’enseignement public. Les établissements communautaires, bien que perméables aux évolutions de la société environnante, restent tout de même un peu plus protégés de la violence, de la délinquance, des incivilités. Cependant, les parents qui souhaitent envoyer leurs enfants à l’école juive se plaignent de sa cherté.
A Marseille, d’après l’entourage du Grand Rabbin Ohana, les critères de sélection des parents concernant l’institution scolaire dépendant en fait du niveau de pratique. Suivant que les parents soient plus ou moins orthodoxes, leurs priorités changent. Ainsi, pour les familles plus religieuses, les questions de proximité ne rentrent pas en ligne de compte, pourvu que l’école corresponde à leur demande. Contrairement à eux, les moins stricts placent en priorité les critères de proximité, de milieu social et de résultats scolaires.
Il existe cependant un consensus minimum commun de base des parents concernant le shabbat, la cacherout et les fêtes.
Avec la remontée de l’antisémitisme, les familles non orthodoxes qui optent pour l’école juive se rendent compte de plus en plus de l’importance de l’enseignement du kodesh. Même s’il ne représente pas leur priorité, il prend pourtant de plus en plus de signification pour eux. Parallèlement, l’enseignement général reste très important pour les parents. A leurs yeux, une bonne école juive se mesure à la qualité des matières générales sauf pour quelques rares établissements très religieux minoritaires. Avec la crise, les parents ont pris conscience de l’importance du niveau et des résultats scolaires pour l’avenir de leurs enfants. Ils souhaitent leur donner toutes les cartes en main afin de leur garantir plus tard une bonne situation.
A part quelques figures exceptionnelles comme le Rabbin Pinhas, la personnalité du Rav ne prime pas pour le choix de l’école, hormis pour les pratiquants. Il s’agit plutôt de pencher pour une méthode d’enseignement. Enfin, la question de la mixité ne se pose pas en général, hors monde orthodoxe. Par contre, certaines écoles qui pratiquaient la mixité ont cessé de le faire. Il en a résulté une diminution de la violence des élèves et une augmentation des résultats scolaires car les jeunes se montrent alors plus disciplinés, plus concentrés sur leurs études et plus sérieux dans leur travail.
Toutefois, au Rabbinat, certains émettent quelques réserves concernant le personnel enseignant des matières juives. Ils déplorent le manque de formation et de pédagogie des professeurs, souvent très jeunes et inexpérimentés. La bonne volonté ne suffit pas toujours. Leur absence de méthode appropriée et de pratique a pour conséquence une chute du niveau du kodesh. Cependant, le Rabbinat pense que les critiques à l’encontre des écoles juives ne sont pas toujours justifiées car les institutions déploient beaucoup d’efforts et de travail concernant les équipes, les structures, les budgets et leur gestion.

Le cas des enfants autistes

En quoi consiste votre activité auprès des enfants autistes ?
Stéphane Benhamou (directeur du centre spécialisé pour autistes ‘’Le silence des justes’’) : Il s’agit d’une prise en charge du soin individualisée, que ce soit au niveau de la pathologie, de l’éveil ou des capacités de chaque enfant. Les objectifs sont multiples : thérapeutiques, sociaux, éducatifs, etc. Le travail d’encadrement de l’équipe d’éducateurs spécialisés multidisciplinaires vise à l’intégration de ces enfants dans des établissements scolaires normaux comme ceux de l’ORT, de l’Alliance ou de Yagel Yaacov.

Comment le centre procède-t-il avec les jeunes malades ?
S. B. : Nous essayons justement d’amener les enfants à travailler car leur problème repose avant tout sur la communication. Nous faisons aussi un travail de socialisation par des activités physiques ou sportives, de la musique, du dessin car les autistes sont enfermés dans leur monde. Ces activités créent une dynamique de la socialisation. Les enfants sont également suivis par des orthophonistes, des psychologues, des psychomotriciens et des médecins.

Quels sont les besoins particuliers des autistes ?
S. B. : Il faut rester attentif à tout moment car ces enfants n’ont pas la notion du danger. Ils doivent constamment être accompagnés de façon individuelle. De plus, ils ont besoin de cadre, de structures particulières dans le temps et l’espace pour leur donner des repaires. Pour cela, les fêtes du calendrier juif les aident beaucoup à se localiser dans le temps.

Quel lien parviennent-ils à tisser avec le judaïsme ?
S. B. : Les enfants reçoivent des cours de matières juives. Ils célèbrent les fêtes. Nous les préparons aussi à leur bar-mitsva. La tsedaka représente pour eux quelque chose de particulier. Ils développent une concentration particulière pour cette mitsva. C’est comme s’ils sortaient un instant de leur monde pour se donner entièrement à cette action. Ils cessent alors de s’agiter, de se balancer.

Quels outils donnez-vous aux enfants de votre centre ?
S. B. : Nous pensons que les autistes disposent des mêmes droits que les enfants normaux et qu’ils ont une place au sein des écoles juives. Nous leur donnons les mêmes outils qu’aux autres enfants. La différence c’est qu’ils ne communiquent pas. Ils ne renvoient rien au plan affectif. Il est donc difficile d’évaluer leur niveau d’apprentissage. En fait, nous découvrons qu’ils apprennent et acquières les matières mais à long terme.

Quel âge ont vos élèves ?
S. B. : Ils se divisent en deux tranches : les 6-13 ans et les 15-25 ans.

Qui fréquente votre centre ?
S. B. : A 80% des Juifs mais pas seulement. Et parmi eux, tous ne sont pas religieux.

Enfin pourquoi avoir choisi le nom ‘’Le silence des justes’’ pour votre institution ?
S. B. : Parce que le plus souvent, c’est par la parole que l’on fait le plus de mal. Les enfants qui ne parlent pas ne peuvent donc pas faire de mal. Ce sont des Justes.

Le problème scolaire des handicapés
Depuis quand prenez-vous en charge des enfants handicapés dans votre école ?
David Elbaz (chef d’établissement de l’école Beth Israël de Montmagny – Val d’Oise) : Notre établissement est avant tout une école juive classique et non une école spécialisée. En 2007, sous l’impulsion d’une association indépendante, nous avons été sensibilisés aux enfants différents et  avons eu un coup de cœur pour l’idée de faire progresser chaque jeune. Ainsi depuis 4 ans, nous accueillons dans des ‘’classes d’intégration’’ des élèves handicapés psychomoteurs comme les trisomiques 21.

Comment adaptez-vous votre école aux besoins spécifiques des enfants en difficulté ?
D. E. : Il s’agit de tout un processus de formation des enseignants et de dialogue avec les parents pour pouvoir les accueillir dans une classe spécialisée créée avec l’aide du professeur Ruben Feuerstein de Jérusalem, selon sa méthode pédagogique. Cette classe d’intégration s’appuie sur une équipe spécifique avec un programme particulier. Pour définir les besoins de chacun, nous faisons passer à chaque élève handicapé une évaluation dynamique dans chaque matière afin de déterminer son potentiel. Cette évaluation s’opère deux fois par an.

Quelle est la spécificité de cette classe d’intégration ?
D. E. : Elle requière beaucoup de travail. La classe d’intégration propose aux élèves des activités telles que les arts plastiques, la musique mais aussi l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Les enfants sont suivis par des orthophonistes, des psychologues et des psychomotriciens. La classe spécialisée vise aussi à l’intégration sociale des handicapés par les sorties, le sport, la mixité avec les autres enfants au réfectoire. L’approche tente de développer les compétences de ces enfants différents pour qu’ils puissent être intégrés. C’est pourquoi le groupe n’est pas homogène mais au contraire hétérogène, pour que chacun puisse y développer ses capacités. Nous n’accueillons que 9 élèves maximum par classe, selon la prescription du Professeur Feuerstein.

Sur quoi repose la  méthode du Professeur Feuerstein ?
D. E. : L’école s’appuie sur le principe selon lequel chaque enfant même handicapé ou pré-autistique possède des aptitudes propres qui peuvent être développées. Leur invalidité n’est pas rédhibitoire. Comme le dit le Professeur Feuerstein lui-même ‘’les chromosomes n’ont pas le dernier mot’’. Le rôle pédagogique c’est justement de faire progresser les dispositions de chacun. Il faut aller chercher les compétences de ces enfants. D’où le programme spécifique pour chaque handicap, qui cible les capacités de l’enfant et les développe selon l’évaluation biannuelle. Contrairement aux écoles spécialisées, notre méthode insiste sur l’idée d’intégration des handicapés au contact des autres enfants. Notre pédagogie est très humaniste avec beaucoup de cœur à l’ouvrage.

Quels résultats obtenez-vous ?
D. E. : Il est difficile d’être précis. Par ailleurs, on ne peut pas travailler sans évaluation sinon on ne sait pas où l’on va. En tout cas, les parents constatent des progrès incroyables. Leurs enfants parviennent à lire, à écrire, à compter, à communiquer, à parler. Les améliorations se voient de l’extérieur et lorsque l’on vit plus près des enfants, on remarque une évolution encore plus grande.

Comment les autres élèves perçoivent-ils les handicapés ?
D. E. : Je dirais que c’est une véritable merveille car ils développent eux aussi des valeurs de tolérance et de respect d’autrui. Leur regard change sur les enfants différents.  Celui des enseignants aussi. Ils vivent avec l’équipe spécialisée ce qui permet un échange.

Croyez-vous que le judaïsme apporte un plus aux handicapés ?
D. E. : Je le pense. J’en suis intimement convaincu mais il n’existe pas de preuve scientifique. La Tora apporte quelque chose à tous les Juifs. Ici, les enfants reçoivent des connaissances et une sensibilité juives. Ils apprennent l’hébreu, les fêtes, la parasha, savent mettre les phylactères, réciter le Shema. Les élèves sont réceptifs au message et à la notion de respect.

Quels sont vos souhaits ?
D. E. : Des parents avouent que c’est la galère pour scolariser des enfants handicapés. Grâce à notre école, plusieurs d’entre eux ont déclaré ‘’ça a changé notre vie’’. Certains viennent de loin. Alors je pense à la suite : au monde de l’apprentissage, du travail, des études. J’ai l’ambition de donner à ces enfants les clés d’une réussite scolaire et humaine.


Noémie Grynberg 2011

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Commentaires

  • karim aissat

    1 karim aissat Le 28/12/2011

    bonjour je suis algerien comment faire mon aliyah alors que je suis pro israelien ma mere merci

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