A priori, rien ne destinait Ronen Kernerman à ce parcours atypique. Issu d’une famille laïque bourgeoise de gauche de Tel-Aviv, Ronen, comme la plupart des Israéliens de son âge, quitte la maison à 18 ans pour partir découvrir le monde et notamment l’Afrique. C’est son attirance pour la musique et plus particulièrement pour la darbouka qui le mène sur le continent noir. En fait, Ronen part à la découverte de lui-même, comme un voyage initiatique aux sources de la musique et des rythmes primitifs.
Ronen est un artiste dans tous les sens du terme. Il a étudié la sculpture et les arts mais se définit comme autodidacte concernant la musique et les percussions. A peine majeur, il découvre l’Europe et ses musées. Mais c’est sa passion pour le jembé ou tam-tam africain qui déterminera le reste de son parcours.
En spécialiste, Ronen raconte que le jembé serait le descendant de la darbouka orientale, instrument biblique de la sagesse associé à Myriam, Moise et Aaron. Sa forme de calice rappelle celle du mortier à piler. A l’origine formé de glaise et de peau de poisson du Nil, il est sculpté aujourd’hui en Afrique d’une seule pièce dans une bille de bois dure (dont l’acajou) et sa partie supérieure est recouverte d'une membrane en peau de chèvre. Il est constitué d'un "pied" tronçonique évidé dont la cavité communique avec une caisse de résonance. Le système de tension est réalisé grâce à un tressage de cordes en nylon et la peau est maintenue à l'aide de trois cerclages métalliques. Sa taille traditionnelle atteint généralement de 50 à 60 cm de hauteur et de 30 à 40 cm de diamètre.
Le jembé accompagne la plupart des évènements de la vie (mariages, baptêmes, récoltes, circoncisions, fêtes, accueils, etc.), et draine ainsi cette tradition rythmique à travers le temps.
Sur les routes d’Afrique pendant plus de 3 ans, de 1985 à 1988, Ronen entreprend en stop son parcours initiatique et spirituel en remontant le Nil d’Egypte vers le Soudan, l’Afrique de l’Est puis l’Afrique sub-saharienne pour remonter enfin vers l’Algérie. Loin de s’éloigner de ses racines et de son identité juive profondément ancrée en lui, au contraire, il s’en rapproche, lui donnant une nouvelle dimension : celle de la musique du tam-tam comme héritage et témoignage de l’histoire d’Israël. Dans les années 1990, il fait téchouva après une sorte d’expérience mystique. Il comprend alors sa mission dans ce monde et s’y consacre pleinement : relier le jembé à la tradition juive, son origine. Pour lui, le tam-tam est l’instrument qui unit le peuple juif à dieu et au judaïsme. En 1991, il décide de revenir s’installer définitivement en Israël, terre des Patriarches, d’y importer et d’y développer en pionnier l’art du jembé. Ronen fait fabriquer les instruments en Afrique selon ses propres motifs, les importe en Israël et les vend. Chacun d’entre eux est un objet artisanal original. Il en existe de toutes tailles. Mais Ronen ne s’arrête pas là. Il anime également des ateliers de tam-tam en privé ou dans les écoles et les universités, organise des concerts, prépare des enregistrements, créé une chorale ethnique. Et surtout, il veut redonner à l’instrument sa place originelle, celle qui accompagne les grands événements de la vie : mariages, bar/bat mitsva, anniversaires, nouveaux livres de la Torah, etc. Pour donner à ces fêtes une note encore plus personnelle, Ronen sonne également du shofar pour accueillir les hôtes et les initier en quelques heures à son art.
Tam-tam et Kabbala
Revenu seul aux sources de la tradition et de la musique véritable (celle des Léviim), Ronen les marie désormais dans son activité artistique comme étant complémentaires. Ou quand le tam-tam fait bon ménage avec la Kabbala.
Le tam-tam fait partie intégrante de la tradition juive. Après un détour par l’Afrique, il revient sur sa terre d’origine pour accompagner à toute heure les joies et les mariages. On raconte qu’au paradis les anges jouaient du tambourin. Ainsi, l’homme et l’instrument viennent de la même source dont l’origine apparient au peuple d’Israël.
Lors de la sortie d’Egypte, il est écrit : ‘’Et Myriam la prophétesse, sœur d’Aaron, prit le tambourin dans sa main et toutes les femmes sortirent à sa suite avec des tambourins et en dansant’’. Rachi commente que c’est grâce à la sagesse des femmes qui sortirent les tambourins d’Egypte qu’Israël fut sauvée.
Le tam-tam est l’instrument de la joie, de la rédemption, de la délivrance et de la femme. Il symbolise également le troisième Temple de Jérusalem. Il serait surtout l’instrument du monde futur rejoignant ses origines, fait avec la peau du Léviathan.
En hébreu, le mot tfila (prière) se compose des mots tof (tambour) la’H (pour Dieu). Tof en hébreu, c’est aussi les premières lettres des mots tmimout (droiture, innocence) et pshitout (simplicité), principe du judaïsme selon le rabbi Nahman de Braslav.
Du point de vue de la foi, le tambour et la danse sont indissociables du peuple d’Israël et de sa terre. Ils sont au spirituel ce que le pain et le sel sont au matériel. Ensemble, ils forment la base vitale du corps et de l’esprit. Pour la Kabbale, le monde de la musique est le plus élevé de toutes les sagesses.
La prophétie relève également du monde de la musique dont l’exemple le plus emblématique reste le roi David. Le tambour est le royaume de la sainteté.
Le tam-tam se réfère encore à une autre symbolique : rond, il représente la Terre et ses cinq éléments (la terre, le vent, l’eau, le feu et la lumière) et les mains représentent le ciel. L’homme et l’instrument s’unissent pour former une unité, proclamer celle de dieu et d’Israël.
Ronen bouillonne de projets. Il aime les gens et aime partager avec eux sa passion, ses goûts, ses idées. Récemment installé dans son nouveau magasin-galerie que l’on peut visiter et où l’on peut acheter le jembé de son choix, en plein coeur de Jérusalem, l’artiste a pour ambition d’en faire le centre israélien puis mondial du tam-tam. Aujourd’hui, Ronen se sent prêt à conquérir le monde.
Noémie Grynberg / Israel Magazine 2005