A partir de 1998, une augmentation de la fréquentation touristique en Israël s’est amorcée pour les Juifs de France. Le déclenchement de la seconde Intifada, au lieu de décourager les touristes français, les a au contraire poussé à venir plus nombreux et à témoigner ainsi leur soutien à Israël dans ses heures les plus sombres. 2002, année noire du tourisme en Terre Sainte, a vu une embellie de celui de la communauté hexagonale. Entre 2002 et 2003, il s'est multiplié par plus de 5.
En 2004, près du quart de la communauté juive de France s’est rendu en Israël. Certains touristes affirment venir régulièrement tous les ans, certains même plusieurs fois par an. Cette population semble d’ailleurs beaucoup plus intéressée par une actualité plus spécifiquement juive que le reste de la communauté.
Par ailleurs, les touristes de France en Israël affichent un taux de satisfaction de 99%, un score qui frise l'unanimité absolue (50% de satisfaits et 49% tout à fait satisfaits).
Cependant, 33% de personnes ayant eu l’intention de se rendre en Israël n’ont pas pu le faire pour raison économique. Elles sont plus nombreuses en été (56%) qu’en automne (33%). En effet, la cherté des billets et des hôtels en août représente un handicap sérieux pour une certaine catégorie de visiteurs potentiels. Par contre, les problèmes sécuritaires ne sont que peu évoqués comme raison de ne pas se rendre en Terre Sainte.
Qui sont les touristes juifs de France en Israël ?
La grande majorité vient de Paris et sa région, moins de 20% de province. La population francilienne est donc largement surreprésentée par rapport à la population juive générale qui constitue 43% de l’ensemble de la communauté.
Par contre, on note que les Ashkénazes de France sont sous représentés en Israël. La disproportion est très remarquable : ils ne constituent que 5% des touristes alors qu’ils forment 23% de la communauté hexagonale. Quant aux Séfarades, ils sont surreprésentés : 89% des touristes alors qu’ils sont 70% de la communauté juive de France. Cette donnée indique bien que les touristes juifs en Israël ne donnent pas une image fidèle de la vie communautaire actuelle en France.
Néanmoins, cette catégorie constitue une population assez homogène, ni franchement populaire, ni vraiment haut de gamme. Elle se situe entre les deux avec un niveau de revenu assez aisé. Même si les touristes de France viennent en Israël tout au long de l’année, leur revenu détermine pourtant le choix de la période du séjour. Rappelons que l’été, époque préférée des Français à 49%, est la plus haute saison, surtout le mois d’août même si cette période est la plus chère. Puis viennent les vacances de Pessah pour 15% et de février pour 11% car la majorité des séjours ont lieu pendant les congés scolaires. Par contre, Souccot et décembre ne représentent pas une grosse période touristique pour les Français. La saison choisie détermine aussi la durée du séjour. Les vacances de 1 à 2 semaines sont majoritaires pendant Tichri (55%). Par contre, les longs séjours de 2 semaines à un mois sont plus nombreux en été. Ce qui est compréhensible par rapport aux congés scolaires. Les très longs séjours de plus d’un mois, ont plutôt lieu hors saison estivale. Ainsi le profile des estivants n’est pas tout à fait identique à celui des touristes de Tichri. Seuls 3% des aoûtiens viennent pour la première fois en Israël. Par contre, les vacanciers de Tichri sont des habitués. Ceux ayant visité Israël moins de 4 fois représentent 18%, ceux l'ayant visité 4 fois et plus sont 82%.
Les aoûtiens représentent une catégorie spécifique de touristes. En effet, suivant les données recueillies auprès du Ministère du Tourisme, ils sont plus nombreux et leur séjour plus long que les juilletistes. Les vacances de moins d'une semaine ne représentent que 2%. Ceux de 1 à 2 semaines : 33% ; ceux de deux à trois semaines : 27% ; ceux de trois semaines à un mois : 27%. Au-delà d'un mois, les séjours représentent 11%.
La durée des vacances dépend également de la ville choisie. La plus courte est à Herzlia : de moins d’une semaine à deux semaines. Les très longs séjours ont lieu dans des villes d’habitation, c’est-à-dire vraisemblablement là ou les touristes ont acheté leur propre appartement.
Les formules de résidence sont nombreuses. Mais très largement, les touristes choisissent celle de l'hôtel à 55%. Puis vient l'hébergement au sein de la famille à 24%, en appartement privé à 8%, en location à 8% et enfin chez des amis pour 4 % d'entre eux. Certains touristes choisissent plusieurs formules de résidence durant leur séjour : par exemple, une partie en hôtel et une partie en famille.
Moins de 1% des touristes venus dans un cadre spécifique (yéshiva ou volontariat civil) est hébergé au sein de l’encadrement de leur formule de séjour (en internat ou sur une base militaire).
Les motivations du séjour en Israël sont nombreuses : loisirs, tourisme, amis, famille, judaïsme (hébreu, pèlerinage, alya, étude), investissement (immobilier, professionnel). Les touristes peuvent d’ailleurs allier loisirs, identité, sionisme et avenir (alya, investissement immobilier ou prospection professionnelle) lors de leur vacance. Mais le tourisme représente la raison principale, qu’il soit le seul centre d’intérêt ou couplé à celui de la famille ou des loisirs. Viennent ensuite les loisirs seuls ou comme précédemment, puis la famille. L'aspect loisir du séjour est largement en tête, suivi par les centres d'intérêt à caractère juif en connexion avec l'identité ou Israël. Les chiffrent indiquent que les aoûtiens ne viennent pas majoritairement en Israël dans le but de préparer leur avenir professionnel ou personnel.
Les motivations du séjour en Israël sont significativement différentes suivant la saison du séjour. Ainsi, les amis représentent 37% en été mais 22% en automne ; la famille 52% en été et 46% en automne ; le judaïsme 18% en été et 9% en automne soit exactement la moitié.
Certaines villes font l’objet d’un intérêt plus spécifique. La ville des loisirs est incontestablement Eilat à 59%. Celle du touriste, de l’immobilier, de la famille et du judaïsme : Herzlia. Celle de la alya et de l’étude : Jérusalem. Par contre, Netanya n’indique pas un centre d’intérêt spécifique par rapport aux autres villes. Elle attire des touristes aux intérêts multiples.
Villes de prédilection
Netanya en tête des préférences, ne dément pas sa réputation de ville préférée des touristes français pour 33% d’entre eux. Cette cité balnéaire attire à elle toute seule près d’un tiers des touristes de France. Toutefois, Tel-Aviv talonne Netanya avec 27% soit plus d’un quart. Viennent ensuite Eilat avec 16%, Jérusalem avec 14%, Ashdod avec 7% et Herzlia avec 3%.
Lien avec Israël
Le lien des touristes juifs de France avec Israël est personnel et familial. 77% d’entre eux ont de la famille proche en Israël. Cette attache constitue donc un facteur de rapprochement.
Cette population de touristes s'identifie beaucoup plus à Israël que l'ensemble de la population juive de France. Elle exprime une identité juive plus marquée que celle de l'ensemble de la communauté juive de l’Hexagone. Non seulement ces touristes se sentent plus juifs que l'ensemble de la communauté de France mais ils se sentent également plus proches d'Israël.
Alya
63% des vacanciers interrogés en 2004 ont déclaré avoir l'intention de faire leur alya dans un avenir plus ou moins proche contre 18% pour l'ensemble de la communauté juive de France. C’est-à-dire que pour ceux qui fréquentent assidûment Israël, le pourcentage est multiplié par 3,5. Les principales motivations invoquées sont : l’antisémitisme pour 60%, l’avenir des enfants pour 49%, la possibilité de mener pleinement une vie juive pour 43%, le regroupement familial pour 24% et le sionisme pour 9%.
Religiosité
64% des touristes de France se considèrent comme des personnes religieuses. 90% d’entre eux se définissent comme pratiquants, quelle que soit leur tendance. Les traditionalistes sont très largement surreprésentés contrairement aux libéraux ou aux non pratiquants sous-représentés. Le renforcement religieux se trouve ici confirmé (43%), davantage marqué dans la population des touristes Juifs de France que dans l'ensemble de la population juive de l’Hexagone (30%). Le respect de la cacherout (71% des touristes contre 28% de l’ensemble de la communauté) est un des aspects important de ce renforcement. Cette donnée montre de façon indiscutable un niveau de pratique très élevé parmi les touristes Juifs de France.
En comparaison avec l'ensemble de la population juive de l’Hexagone, le rapport à la pratique religieuse semble aussi un facteur de rapprochement avec Israël.
Fréquentation communautaire
Les touristes de France en Israël se révèlent des Juifs proches des institutions de la communauté qu'ils fréquentent assidûment à 82% (59% très souvent et 23% souvent). 16% la fréquentent plus rarement (11% occasionnellement et 6% rarement). Ceux qui ne les fréquentent jamais ne sont que 2%.
On peut conclure qu'il existe un lien certain entre la fréquentation communautaire et le sentiment de proximité avec Israël.
Concernant les jeunes, 70% des touristes de15-18 ans déclarent fréquenter la communauté très souvent, c’est-à-dire au moins une fois par mois ou plus. En comptant ceux la fréquentant souvent c’est-à-dire au moins 4 à 5 fois par an, le pourcentage atteint 88%.
Statut familial
On constate que l'endogamie est une caractéristique des touristes Juifs de France. Il y aurait une corrélation entre mariage juif et sentiment de proximité avec Israël.
Les vacanciers viennent majoritairement en famille (54%). Arrivent ensuite les célibataires avec 36%. On peut en déduire que les vacances en Israël sont principalement familiales ou pour venir rencontrer un partenaire juif. Suivant le statut familial, les touristes choisissent différemment leur période de visite. On constate que les couples préfèrent la période des fêtes (74%) alors que les célibataires préfèrent l'été (38%). Ceci confirme que l’été est une période de loisirs alors que Tichri est une période plus familiale. En plus de la période de visite, le statut familial définit également le lieu de villégiature. Ainsi, les familles délaissent Tel-Aviv pour se concentrer surtout sur Herzlia, Ashdod, Netanya et Eilat. Par contre, les célibataires choisissent avant tout Tel-Aviv (53%) et Jérusalem (47%), délaissant Herzlia et Ashdod.
Jeunes
61% des touristes Juifs de France envoient au moins un de leurs enfants en école juive alors que la moyenne nationale juive française tourne autour de 27%. La fréquentation de structures juives, qu'elles soient scolaires ou communautaires, rapproche les Juifs d'Israël.
Les 15-18 ans, eux, n’envisagent pas leur avenir en France. En effet, 77% de ces jeunes (contre 59% des adultes) pensent de quitter l'Hexagone d'ici 5 ans. 59% conçoivent leur avenir en Israël car le pays représente pour les jeunes un attrait indéniable, un pays d’avenir dans lequel ils se voient vivre. Israël symbolise leur espoir, leur idéal. Encore plus que leurs aînés, les jeunes souhaitent immigrer en Israël à 72% dont 34% dans un avenir très proche. On remarque donc une centralité de l’Etat hébreu dans leur projet de vie future. Le fait que les jeunes soient à ce point tournés vers Israël peut s’expliquer par le fait qu’en plus d’être le lieu d’ancrage historique, religieux et ethnique, ils sont nés bien après la création de l’Etat. Israël figure donc pour eux une entité intangible, évidente, une réalité quotidienne à laquelle ils s’identifient très fortement.
Antisémitisme
31% des touristes Juifs de France affirment avoir personnellement souffert de l'antisémitisme. 48% des 15-18 ans avouent en effet avoir été victimes de tels actes au cours des dernières années. Ces agressions peuvent également expliquer leur désir si fort de quitter leur environnement actuel pour vivre en Israël notamment.
Noémie Grynberg 2010
(d’après l’étude d’E. H. Cohen ‘’Touristes Juifs de France en 2004’’, AMI, Paris-Jérusalem, 2005)