L’architecture verte est une approche globale de planification pour la construction d’édifices. Elle intègre des considérations environnementales visant à l’économie d’énergie (de 20 à 50% sur les factures d’électricité ou de gaz), d’eau et de matières premières. Cette approche écologique vise à créer un environnement sain et confortable tout en s’abstenant autant que faire se peut de détériorer les ressources naturelles. Elle implique l’utilisation de matériaux inoffensifs pour la nature ou de matériaux recyclés. Ces mesures sont sensées influencer le bien-être de tous.
Il existe différentes méthodes de construction verte : isolation thermique du toit, des murs et des fenêtres ; utilisation de lumière et d’aération naturelles ; utilisation d’énergie propre (vent, soleil) ; recyclage des ordures et des eaux usées ; matériaux n’émettant pas de gaz toxiques ; construction limitant les déchets. Le coût de l’architecture verte n’est pas forcément supérieur à celui de la construction conventionnelle car le gros de l’effort est avant tout concentré sur la planification. Les investissements supplémentaires ne doivent cependant pas dépasser 1 à 2% du coût total.
Nouvelles normes israéliennes
En 2003, le gouvernement israélien a décidé de promouvoir la construction verte afin d’économiser significativement la consommation d’eau et d’énergie. Il faut noter que le climat israélien possède certaines caractéristiques idéales pour l'architecture écologique : une grande différence de température entre jour et nuit (selon les zones) ; un haut rayonnement solaire en hiver sur les façades sud ; des vents de nord et d'ouest les soirées d'été.
En novembre 2005, l’Institut Israélien de Standardisation a publié les nouvelles normes nationales (5281) concernant la construction verte. Le programme a officiellement démarré en mai 2006. Il ne concerne pour l’instant que les logements ou les bureaux. Mais ces normes ne sont pas encore obligatoires.
En 2008, un appel d’offres de la Loterie Nationale israélienne (Mifal haPais), organisme subventionnant la construction de bâtiments publics, scolaires et communautaires, a été remporté par une équipe de recherche en architecture et en aménagement urbain du mondialement renommé Département de Recherche en Zones Arides de l’Université Ben Gourion, L’équipe a été chargée d’établir les caractéristiques et les critères du futur Label écologique, dont le respect sera obligatoire pour l’octroi du fonds d’allocation de la Loterie nationale. «Il s’agit là d’une étape essentielle dans la promotion d’une culture de la construction verte en Israël» a déclaré le Pr. Meir, architecte et urbaniste, responsable du projet.
De son côté, le Technion de Haïfa possède également, dans son département d’Architecture et Urbanisme, une section enseignant l’architecture verte.
Aujourd’hui, seules les constructions durables répondant aux critères du Ministère de l’Environnement peuvent obtenir le label de maison verte. Pour l’heure, très peu de bâtiments en Israël l’ont reçu. Ce que dénonce d’ailleurs le contrôleur de l’Etat. En effet, dans son rapport, il note que jusqu’en 2009, le Ministère de l’Intérieur et celui du Logement n’ont pas respecté les engagements gouvernementaux en matière de construction verte.
Une conscience écologique en progression
Aujourd’hui, la prise de conscience écologique croît au sein de la population. En 2011, un tournant a été observé : de plus en plus d’Israéliens se disent prêts à débourser davantage (de dix à vingt mille shekels) pour intégrer des éléments verts dans leur logement.
D’ailleurs, l’IISBE Israël, association à but non lucratif, encourage l’initiative des constructions vertes ainsi que la rénovation écologique de l’habitat existant.
Mais devant le nouvel engouement du label vert, certains entrepreneurs n’hésitent plus à mettre en avant l’argument écologique comme argument marketing bien que leurs projets ne répondent pas exactement aux normes de l’Institut Israélien des Standards qui a seul autorité, avec le Ministère de l’Environnement, à délivrer ce label.
En avril dernier, parrainé par le Ministère de la Protection de l’Environnement, le Musée du Design de Holon a accueilli une conférence sur les villes durables. Maires, universitaires, entrepreneurs, scientifiques, designers et architectes se sont réunis pour discuter du concept de la durabilité urbaine. Et prochainement, les 5 et 6 juillet 2011, aura lieu la quinzième Edition du salon Clean Tech à Tel-Aviv. Cette rencontre international dévoilera, entre autre, les derniers développements et technologies concernant la construction verte.
Les projets verts
Dès 2008, la ville de Ra’ananna figure comme la première agglomération israélienne à adopter les normes de la construction verte d’après l’Institut des Standards.
La même année, deux autres localités suivent l’exemple : Yavné et Kfar Saba qui rendent les standards de construction verte obligatoires pour tout nouveau projet de logements dans la ville. Les entrepreneurs sont tenus de respecter les normes énergétiques, hydrauliques, écologiques et environnementales. Les eaux usées doivent être recyclées pour l’arrosage des jardins ou les chasses des toilettes. Les habitations doivent aussi comporter le tri sélectif des déchets.
Quant à Yavné, en 2009 la municipalité a prévu un nouveau quartier vert de 2900 logements, dont 70% du terrain consacrés aux espaces publiques et aux jardins, avec des promenades pour piétons et cyclistes le long de la rivière Yavné. Le projet promet à ses habitants un environnement sain selon les standards 5281 de l’Institut Israélien. De plus, en février dernier, la commission locale pour la planification et la construction de la ville a décidé lors de sa dernière réunion, la création d’un autre parc vert de 110 dounams dans la zone industrielle au nord de l’agglomération, comprenant un centre de loisir et d’affaires.
Le point de vue des spécialistes
Afin de mieux comprendre les normes écologiques, Abigail Dolev, responsable de la communication de l’Institut Israélien des Standards, précise le rôle de cet organisme dans le processus de construction des habitations vertes.
Quel est l’impact de la construction verte en Israël ?
Avigail Dolev : La prise de conscience écologique est de plus en plus importante. Les initiatives de construction verte se multiplient. Les municipalités et conseils locaux commencent à obliger les entrepreneurs à respecter les normes environnementales. On remarque une tendance et une volonté de plus en plus nettes dans ce sens. C’est le cas notamment de villes comme Yavné ou Ra’ananna.
Qui est habilité à contrôler les phases de construction verte ?
A.D. : L’Institut Israélien des Standards examine les projets à deux échelons : une première fois en amont pour la viabilité technique du projet et une seconde fois en aval pour la conformité de la construction sur le terrain. Ainsi, il prend en compte la gestion de la construction du stade initial au stade final. L’organisme vérifie la conformité des standards verts sur 55 points spécifiques dont 14 sont incontournables pour obtenir le label. Ils concernent l’économie d’énergie, les matériaux utilisés, le degré de respect environnemental, etc. Si le projet correspond bien au nombre de points exigés, il reçoit l’approbation de l’Institut Israélien des Standards en tant que construction verte. Sinon, il n’est pas validé.
Comment vérifier que l’habitation répond réellement aux standards écologiques ?
A.D. : Les personnes intéressées doivent vérifier les certifications auprès du constructeur. Ils peuvent également se tourner vers les initiateurs du projet et leur demander les attestations provenant soit de l’Institut Israélien des Standards, soit du Ministère de l’Environnement.
Quels sont les avantages de tels critères ?
A.D. : Ils permettent une économie de 30% de la consommation d’énergie, une diminution de 35% des émissions de gaz à effet de serre, une réduction de 30 à 50% de la consommation d’eau et un recyclage des ordures à hauteur de 20%.
L’architecture verte israélienne correspond-elle aux normes européennes ?
A.D. : L’Institut Israélien des Standards est justement en train de réviser les normes. Elles seront réactualisées d’ici quelques mois et comprendront 6 grands chapitres : l’énergie, l’eau, la qualité intérieure de la construction (composants organiques volatils, colles, peintures, etc.), la gestion de la construction de l’entrepreneur, les matériaux et le sol.
Quels seront les développements futurs de la construction verte en Israël ?
A.D. : Je pense qu’ils seront importants et significatifs. Les normes seront révisées et plus précises. Bientôt, la nouvelle standardisation verte sera appliquée obligatoirement non seulement aux logements et bureaux mais aussi à tous les bâtiments publics : hôpitaux, écoles, hôtels. La régulation comprendra 5 niveaux : bronze, argent, or, diamant et platine. Ce sera alors au gouvernement de décider quel degré de construction verte deviendra la norme en vigueur en Israël.
D'ailleurs, en février dernier, le ministère de l’Environnement, en collaboration avec le Trésor, a élaboré un plan de plusieurs millions de shekels portant sur des mesures concernant la construction de maisons “vertes”. Concrètement, comment cela se traduit-il sur le terrain ? Serge Berebi, ingénieur civil, importateur de systèmes d’énergie renouvelable en Israël, partage son point de vue.
Comment définissez-vous la construction verte ?
Serge Berebi : Celle qui utilise des matériaux le plus proche possible des matières premières naturelles, sans traitement, pour éviter au maximum les émissions de CO2. Il n’est d’ailleurs pas très facile de concevoir des édifices totalement verts car ils posent des problèmes inhérents aux matériaux classiques employés comme les solvants ou la peinture. En plus de la haute qualité de construction, la consommation d’énergie de cette architecture vise à tendre vers zéro concernant la production de CO2. Aussi, elle doit l’optimiser par rapport au climat ambiant afin que le logement soit viable. La construction verte utilise le solaire ou l’éolien. C’est ce que l’on nomme la ‘’bio-économie’’.
Quelles nouvelles technologies existent dans le champ de la construction verte ?
S. B. : En Occident, on redécouvre les méthodes ancestrales. On utilise des isolants naturels comme la laine de chanvre, de coco ou de coton, des granules de bois de chanvre ou de l’argile expansé. Les Canadiens ont conçu un système d’aération naturelle de la maison. Il s’agit du puis géothermique creusé sous une bâtisse, à 2 mètres de profondeur dans le sol. Il permet une ventilation écologique en faisant circuler l’air en milieu fermé. En été, l’air chaud est naturellement refroidi dans le sol et en hiver, l’air froid est réchauffé par le même sous-sol qui garde une température constante tout au long de l’année. Ainsi vous obtenez un air de meilleure qualité car il est filtré, ce qui minimise les risques d’allergie dus aux pollens, à la poussière, à la pollution. Mais ce système exige des matériaux parfaitement sains.
Où se situe Israël dans ce domaine ?
S. B. : Depuis 30 ans, Israël a évolué dans le secteur du solaire et des énergies renouvelables. Mais la construction verte avance encore au coup par coup. Elle a 10 ans de retard. Pour l’instant, elle s’applique davantage aux maisons individuelles (mais cela reste encore très marginal) qu’aux immeubles. En effet, la plupart des buildings en Israël (surtout à Tel-Aviv) sont en verre, ce qui est une aberration écologique. Par exemple, à Eilat se construit un projet de petits bungalows de 6 mètres de diamètre sur 3 mètre de haut, bâtis en terre crue et en paille, sans eau courante, avec un système de WC sec (la sciure de bois remplace l’eau – les déchets sont utilisés comme composte). Cela ressemble un peu aux années hippies des 70’s aux Etats-Unis. J’ai également eu connaissance d’une technique de pneus recyclés servant d’armatures pour les constructions. Enfin, un entrepreneur israélien utilise de vieux containers en fer qu’il réhabilite pour les transformer en petits studios d’environ 25 m2 et dont les murs sont en briques de terre crue et de paille. Mais les Israéliens aiment le dur, le solide (peut-être pour des raisons de sécurité). La construction verte n’est pas encore rentrée dans les mœurs sauf pour quelques artistes (à Ein Hod) ou écologistes du Néguev et du Nord. Cela dépend encore en fait du mode de vie.
En Israël, quelle technologie et quels matériaux sont utilisés ?
S. B. : A ma connaissance, Israël ne possède pas formellement de technologie ni de technique verte. En tout cas, pas sur le marché local. Par contre, on commence à voir l’utilisation de matériau ‘’vert’’ comme le béton cellulaire, fabriqué ici mais sous licence étrangère. Il s’agit d’un agent d’expansion de matière, composée de poches d’air étanches, ce qui crée une meilleure isolation que le béton classique. Mais en Israël, les normes semblent moins strictes qu’en Europe. On peut dire que l’architecture écologique vise la baisse de la consommation d’énergie par une meilleure isolation mais il ne s’agit pas à proprement parlé de construction verte.
Comment expliquez-vous le retard d’Israël dans le développement et l’utilisation des technologies vertes ?
S. B. : C’est peut-être un problème de mentalité, de blocage. De manière générale, l’Israélien n’est pas très bricoleur, sauf dans les kibboutzim ou les mochavim. Il ne s’intéresse pas à ‘’comment c’est fait’’ mais au résultat final. Il préfère payer quelqu’un sans s’occuper de rien. Il n’y a donc pas d’émulation. Cela peut représenter un handicap pour le développement de ces nouvelles techniques vertes.
Existe-t-il aujourd’hui une nouvelle politique et culture environnementale en Israël ?
S. B. : C’est possible. Il existe en tous cas des signes, des projets. Ca commence par là. Mais je crois qu’il n’y a pas assez de communication gouvernementale dans ce sens. De plus, à cause de la situation sécuritaire du pays, le problème environnemental reste secondaire. Il est difficile dans ce contexte instable d’investir à long terme. Cependant, je vois aujourd’hui d’importantes démarches dans cette direction.
Vers quoi tendra l’évolution écologique en Israël ?
S. B. : Vers plus de recyclage des produits, des déchets industriels, de l’eau. Mais aussi vers la récupération des pluies dans des bassins souterrains par un système de filets. On verra également l’emploi de nouveaux matériaux comme les briques G et S (briques creuses alvéolées) faciles à utiliser, avec un très haut coefficient thermique. On tendra encore vers l’élargissement de l’utilisation du double vitrage qui occasionne une économie de climatisation. Enfin, la mutation de l’isolation, non plus à l’intérieur mais à l’extérieur des bâtiments. L’évolution visera tout aussi bien l’implantation de panneaux solaires. De son côté, l’éolien faut sont chemin. Le processus s’est enclenché. Le mouvement de la construction verte prend de la maturité. Tout comme les mentalités.
Noémie Grynberg