Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Yavné aux sources de la Mishna

Ville biblique située sur la plaine côtière, entre Jaffa et Ashdod, Yavné a de tout temps été un point stratégique disputé, depuis la conquête d’Israël par les Hébreux jusqu’au temps des Croisés, en passant par les Macchabées et les Grecs. Son nom est évoqué aussi bien dans le Livre de Josué que dans celui des Chroniques. Ville indissociable de l’histoire juive, elle est intimement liée à l’écriture de Talmud.

Les premiers vestiges archéologiques de Yavné, au bord de la mer Méditerranée, semblent remonter à l’Age de Fer. Dès l’Age de Bronze, la ville entourée de remparts, possédait déjà un port recensé par le Pharaon Thoutmis III tout comme par les Romains plus tard et les Byzantins ensuite.
Au temps de la Bible, Yavné, était sise à la frontière nord du territoire de Juda.
Sous le règne du roi Ozias, la ville fut démantelée. A l’époque perse, la ville était utilisée par les armées étrangères comme base pour préparer leurs attaques réitérées contre la Judée.
Durant la première révolte juive en 142 avant J.-C., la communauté de Yavné fut menacée d’extermination par la population non juive. En signe d’avertissement, Juda Macchabée attaqua le port de la ville et y brûla les vaisseaux. A sa suite, Jonathan y combattit lors d’une bataille décisive pour la région. Puis, Simon Macchabée reconquit la ville qui redevint entièrement asmonéenne. Mais Yavné retomba en 63 sous l’emprise de Pompée qui tenta d’en faire une ville romaine. Elle ne jouit pas longtemps son indépendance. Lorsque Hérode accéda au trône, il embellit Yavné de villas et de colonnades pour l’offrir à l’épouse de César. Ainsi la ville devint une enclave impériale dans la province de Judée, siège du procureur romain. Malgré cela, Yavné redevint entièrement juive vers 60 avant J.-C.
Lorsque Rome conquit Israël et Titus détruisit le Second Temple de Jérusalem en l’an 70, Rabbi Yohanan Ben Zakhai quittant la capitale assiégée, obtint de Vespasien qui occupait Yavné, la permission d’y établir un centre d’étude toranique. La ville devint alors la capitale spirituelle, religieuse et culturelle du pays. Ainsi naquit la première et très réputée université hébraïque où se perpétuera l'enseignement de la doctrine pharisienne. C’est là que fut écrite la Mishna, première partie du Talmud comportant la codification des lois politiques et civiles.
Israël, ayant perdu sa liberté nationale put cependant maintenir à Yavné sa liberté religieuse et ses traditions. Le Sanhédrin y transporta son siège. La ville fut considérée comme équivalente à Jérusalem. On y venait trois fois par an en pèlerinage et on y sonnait du shofar lors du nouvel an. De l’an 70 à 132, Yavné fut la grande ville des érudits et des rabbins.
Durant cette époque, les Juifs de Yavné élevaient des volailles et cultivaient la vigne. Son marché au blé était très réputé.
Après la défaite de Bar Kokhba, la cité cessa d’être le centre de la vie juive en Israël et pour la diaspora. De nombreux Juifs continuèrent d’y vivre mais au cours du temps, Yavné compta une majorité de Samaritains. Au Vème siècle, Yavné devint principalement chrétienne. Au VIIème siècle, les Arabes conquirent la ville. Puis, sous les Croisées, la cité fut transformée en forteresse pour contrer les attaques musulmanes provenant d’Ashkélon.

Yavné a conservé le charme de ses ruelles pittoresques et de ses marchés. Au sommet de la colline, s’élèvent les ruines du Castel d’Ibelin, construit au Moyen Age par le comte Hugues du même nom. L’église d’origine fut transformée en mosquée au XIVème siècle.
Plus à l’ouest, s’élève un mausolée surmonté de plusieurs coupoles et soutenu de colonnes aux chapiteaux corinthiens. On suppose qu’il s’agit de la tombe de Rabbi Gamliel. Il semble qu’à cet emplacement se tenait l’académie talmudique de Yohanan Ben Zakhai.
Bien avant la déclaration d’Indépendance de l’Etat d’Israël, en pleine Deuxième Guerre Mondiale, en 1941, non loin du site d’origine, un kibboutz religieux fut fondé par des immigrants socialistes et orthodoxes venus d’Allemagne.
Après l’Indépendance, Yavné devint un Yéshouv (implantation) principalement pour les immigrants venus d’Afrique du Nord, du Yémen, d’Iran, mais aussi d’Europe. Plus tard, d’autres immigrants d’Inde ou d’Ethiopie les rejoignirent. Dès les années 1960, le gouvernement israélien décida d’installer à Yavné des manufactures afin de résoudre son problème de chômage. Ce n’est qu’en 1986 qu’elle obtient officiellement le statut de ville.
Actuellement, la localité possède plusieurs atouts. Dans le domaine industriel, elle profite de la proximité du Parc scientifique de Réhovot. Avec le boom technologique des années 1990-2000, la ville a prospéré, offrant ainsi un bon emplacement aux nouveaux investisseurs.
La zone industrielle au style architectural moderne, attire de nombreuses sociétés de haute technologie qui exportent leurs produits dans le monde entier. Géographiquement, Yavné voisine le grand port d’Ashdod  et démographiquement, elle jouit d’une population variée constituée d’Israéliens et de nouveaux immigrants, ce qui fait sa richesse. Dans les années 1990, de nombreux Juifs d’ex-URSS sont venus s’installer dans la ville.
Tous ces facteurs ont considérablement contribué à son développement en pleine extension. Yavné mise sur sa croissance démographique et industrielle pour assurer son avenir. Elle compte aujourd’hui une population principalement jeune (surtout des familles) de plus de 35.000 habitants. De taille moyenne, elle s’étend en bordure de mer, ce qui fait son charme.
Elle offre également à ses citoyens un choix d’activités culturelles et sportives : danse, musique classique, théâtre, chorale etc. La galerie d’art de Yavné propose des expositions de peinture, sculpture, céramique ou bijoux d’artistes locaux et nationaux. Enfin, deux centres sportifs sont à la disposition des citadins.
Ainsi, Yavné, symbole de la spiritualité et de la loi juive, a su renaître de ses cendres et s’adapter à la vie contemporaine ainsi qu’aux exigences technologiques. Un beau mélange de tradition et de modernité.

 


Israel Magazine / Noémie Grynberg 2006

  • 3 votes. Moyenne 4.5 sur 5.

Ajouter un commentaire

Anti-spam