Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

L’Azerbaïdjan : nouveau terrain de la guerre secrète contre l’Iran nucléaire

De source militaire iranienne, depuis juin dernier, la République Islamique serait en état d’alerte suite à la concentration de forces américaines et israéliennes dans la région de la Mer Caspienne, en vue semble-t-il,  de préparer à frapper les équipements nucléaires de l’Iran. Le commandant des forces armées iraniennes, le Brigadier Général Mehdi Moini dit vouloir s’apprêter à repousser l’éventuelle offensive américano-israélienne. Confirmant ces craintes, d’autres sources iraniennes indiquent que depuis quelque temps, Israël aurait transféré secrètement un grand nombre d’avions de chasse et de bombardiers vers les bases américaines d’Azerbaïdjan, via la Géorgie. Pour y parer, Téhéran dirigerait des convois d’artillerie, des unités anti-aériennes et de l’infanterie vers le nord du pays, vers l’Azerbaïdjan et vers la Mer Caspienne.

Après l’éclatement du bloc soviétique et l'indépendance des États d'Asie centrale au début des années 1990 - Téhéran a lancé un programme global d'exportation de sa «révolution islamique». Son double  but était d'y empêcher une orientation pro-occidentale en matière de politique étrangère et de forger une «renaissance islamique» dans les capitales et les grandes villes des Etats nouvellement indépendants. La réalisation de cet objectif idéologique nécessitait la création de structures : construction d'écoles et de cliniques, financement des partis religieux, distribution d’aides sociales.
azerbaijan.gifEn 1991, l'Azerbaïdjan redevient un Etat indépendant laïc à majorité chiite, l’un des plus grands pays musulman du Caucase. Ceci ne l’empêche pas de choisir une alliance politique avec les États-Unis, peut-être justement pour tenter de juguler son turbulent voisin iranien. Encastrée entre la République Islamique iranienne et la Russie, l'Azerbaïdjan joue de ce fait un rôle tampon entre les ambitions mondiales de ces deux  puissances régionales. La République caucasienne est à juste titre inquiète du rôle que joue l’Iran dans sa zone frontalière. En fait, le régime laïc de Bakou redoute les effets déstabilisateurs des tentations irrédentistes de son voisin professant un chiisme radical.
Pour se prémunir de tels risques, l'Azerbaïdjan accueille déjà depuis 1999 des bases de l'Otan sur son territoire.

Azerbaïdjan – Israël même combat
L'Azerbaïdjan est l'un des rares pays à majorité musulmane en dehors de la Turquie, de l'Egypte et de la Jordanie à développer des relations bilatérales économiques et stratégiques avec Israël. En effet, il entretient des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu depuis 1992.
Aujourd’hui, les 2 pays sont liés par la menace iranienne commune. Leurs services de sécurité et d’espionnage sont en contacts étroits, relations renforcées à la faveur de la « guerre contre le terrorisme » à laquelle l’Azerbaïdjan entend participer activement depuis les attentats du 11 septembre 2001.
En 2008, la République caucasienne signe des contrats d'armement avec Israël pour plusieurs centaines de millions de dollars. En retour, le pays permet à l’Etat hébreu de garder un œil électronique permanent sur tout ce qui se passe en Iran à partir de son territoire. Selon certaines sources, l'Azerbaïdjan permettrait même aux avions militaires israéliens de s'entraîner dans son espace aérien pour tester la réaction des systèmes de défense iraniens. Pour Israël, les liens avec l'Azerbaïdjan sont donc primordiaux.
Dernièrement, les forces de sécurité azéris, en coopération avec Israël, ont déjoué plusieurs opérations terroristes soutenues par l'Iran en Azerbaïdjan. Mais des groupes terroristes islamistes radicaux continuent semble-t-il d’y fonctionner, soutenus par Téhéran. Ainsi le Hezbollah opère clandestinement en Azerbaïdjan depuis 1993. Beaucoup de ses membres azéris ont suivi une formation en Iran et ont obtenu suffisamment d’armes pour former un bataillon de djihadistes.

L’Iran déstabilisateur mais préoccupé
L'Iran qui aspire à être un leader régional, aimerait voir jouer l'Azerbaïdjan selon ses règles. Mais ce dernier dont le système laïc reste une épine dans le flanc du régime islamique, non seulement refuse de se conformer aux préceptes de Téhéran mais a également franchi une ligne rouge de par son rapprochement avec l'ennemi juré de l'Iran, l’Etat hébreu.
Les relations de plus en plus renforcées entre Bakou et Jérusalem sont perçues par le régime iranien comme une menace stratégique. C’est pourquoi la République Islamique a intensifié ses efforts pour déstabiliser son voisin caucasien.
Depuis 2009, face à une possible frappe militaire américaine ou israélienne contre ses installations nucléaires, l'Iran a augmenté  la création et la formation de cellules terroristes à sa périphérie ainsi que la présence de ses agents au sein des pays alliés de l'Amérique et d’Israël comme l'Azerbaïdjan. Ce dernier est particulièrement vulnérable à l'influence iranienne en raison de sa population chiite et de l'importante minorité azérie en Iran, qui est fortement intégrée dans l'élite révolutionnaire islamique. Le meilleur exemple en est le guide suprême iranien : l'ayatollah Ali Khamenei lui-même Azéri.

Bien que l'Iran ne puisse pas séparer complètement Israël de l'Azerbaïdjan, il a tout de même réussi, à force de pressions, à ce que l'Azerbaïdjan n'ouvre pas d’ambassade en Israël. Cette situation crée une sorte d’asymétrie diplomatique puisque Israël a, lui, établi une ambassade en Azerbaïdjan depuis 16 ans déjà.

Aujourd’hui, le Caucase se révèle un enjeu stratégique au Moyen-Orient. En plus de représenter une zone de contention face à l’Iran, l'Azerbaïdjan constitue également pour les Américains un avant-poste de l’Irak.
Selon le chercheur Alexander Murinson, spécialiste du Caucase, il serait judicieux pour Israël de faire comprendre à l'Azerbaïdjan l'importance d'anticiper les désordres économiques et les troubles politiques, véritables jouets dans les mains des islamistes. C'est à Israël à gagner la bataille diplomatique auprès de la jeune génération musulmane azérie.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2010

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