Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Fait-il craindre l’alliance entre l'Arabie saoudite et le Pakistan ?

Historiquement, les relations bilatérales entre le Royaume d'Arabie Saoudite et la République islamique du Pakistan ont toujours été particulières et extrêmement cordiales. Elles constituent l'une des alliances les plus durables des temps modernes. Outre leurs liens militaires, culturels et commerciaux, les deux pays collaborent étroitement en matière de politique étrangère.

Le Pakistan s’avère sans doute le plus important allié islamique de l'Arabie saoudite. En effet, depuis sa création en 1947, République islamique cherche à développer des relations commerciales, culturelles, religieuses et stratégiques solides avec la monarchie saoudienne. En effet, les deux pays ont en commun d’être des Etats islamiques et des leaders régionaux influents dans le monde musulman. De plus, l'un comme l’autre sont des membres éminents de l’Organisation de la coopération islamique (OCI).

Une diplomatie à l’unisson
Dès 1947, l'Arabie saoudite finance les activités politiques des partis nationalistes pakistanais. En 1971, toujours en appui à son alliée, la pétromonarchie s'oppose à la création du Bangladesh indépendant dans la partie orientale du Pakistan. De son côté, pendant la première Guerre du Golfe (1990-1991), ce dernier envoie des troupes pour protéger les lieux saints d’Arabie Saoudite. Puis, lorsque le régime des talibans s’installe en Afghanistan, Islamabad et Riyad sont quasi les seuls à le reconnaître. Quand en mai 1998, le Premier ministre pakistanais Navaz Sharif décide de réaliser des essais atomiques, seule la monarchie saoudienne le soutient. Elle lui fournit ainsi gratuitement 50.000 barils de pétrole par jour pour l’aider à faire face aux menaces de sanctions économiques américaines et européennes pesant sur le Pakistan, en les atténuant considérablement. Après le coup d’Etat du général Pervez Musharraf en octobre 1999, l’Arabie saoudite offre l’asile politique au Premier ministre renversé Nawaz Sharif tout en conservant de bonnes relations avec Islamabad. Enfin en avril 2012, le royaume wahhabite accueille les femmes et les enfants d'Oussama Ben Laden détenus depuis sa mort par le Pakistan qui finit par les expulser dans leur pays d’origine.

Des liens spirituels et économiques
Dans les années 1970, l’Arabie saoudite se révèle un grand partisan du programme d’"islamisation" prôné par le général Zia-ul-Haq. Ainsi au niveau cultuel, l'aide publique pakistanaise se voit compensée par d’importants investissements provenant de princes saoudiens. En effet, la monarchie wahhabite se montre un soutien religieux et éducatif conséquent au Pakistan. Elle s’avère un contributeur majeur à la construction de madrasas (écoles religieuses) et de mosquées dont celle dédié au roi Fayçal d'Arabie saoudite à Islamabad. En 1977, la troisième plus grande ville pakistanaise, Lyallpur, est également rebaptisé  Faisalabad en l'honneur dudit monarque. Et en 2006, le roi saoudien reçoit le Nishan-e-Pakistan, la plus haute décoration civile du Pakistan.
Economiquement, la pétromonarchie reste une destination majeure pour l'immigration des Pakistanais dont le nombre se situe entre 900.000 et 1 million. Ces migrants représentent une source importante de devises étrangères pour la République islamique du sous-continent indien. Par ailleurs, le royaume wahhabite demeure la principale source pétrolière et financière du Pakistan. Au cours des dernières années, les deux pays élargissent aussi leur coopération bilatérale dans le domaine du commerce, de l'éducation, de l'immobilier, du tourisme, de l'agriculture ainsi que des technologies de l'information et des communications. Enfin, au sein du Conseil de coopération du Golfe, le Pakistan et l’Arabie Saoudite négocient un accord de libre-échange.
Pour finir, en mai 2013, la pétromonarchie débloque un prêt de cinq milliards de dollars au nouveau gouvernement pakistanais redirigé par le Premier ministre conservateur Nawaz Sharif, réélu pour un troisième mandat. Les Saoudiens cherchent par là à éviter les troubles au Pakistan qui a enregistré l'année précédente un déficit équivalent à 8,5 % de sa production.

Coopération militaire et nucléaire
Le Pakistan et l'Arabie saoudite entretiennent des liens tactiques étroits, le premier offrant son aide à la formation militaire de la seconde. Ainsi en 1969, les pilotes de chasse de l'armée de l'air pakistanais aux commandes de la Royal Saudi Air Force repoussent une incursion du Yémen du Sud. Dans les années 1970 et 1980, environ 15.000 soldats pakistanais restent stationnés dans le royaume. Enfin dans les années 90, un accord sur le nucléaire entre l’Arabie Saoudite et le Pakistan est signé. Suite à quoi, la monarchie wahhabite finance secrètement le programme de la bombe atomique d’Islamabad. Mais avec la menace d’un Iran nucléarisé,  le gouvernement saoudien, directement visé, se décidé à lutter fermement contre le programme de Téhéran. En novembre dernier, il négocie l'acquisition de missiles balistiques mobiles capables de transporter des ogives nucléaires. L’achat d’armes atomiques pourrait lui permettre de contrer les éventuels dangers provenant des arsenaux de destruction massive que possède l'Iran. Des rapports pakistanais non confirmés affirment que des engins auraient déjà été livrés, sans les têtes. Pourtant, le royaume wahhabite fait partie du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et a œuvré pour un Moyen-Orient dénucléarisé. Or, les tensions croissantes de ces dernières années font dire aux autorités saoudiennes qu’il serait inacceptable que l’Iran ait une capacité nucléaire et non le royaume. Aussi, ce dernier a reçu des délégations scientifiques et des experts militaires pakistanais en vue de développer son propre programme nucléaire. Cette information inquiète les spécialistes d’autant qu’elle relancerait une possible nouvelle course à l’armement au Moyen-Orient. L’escalade nucléaire régionale finira-t-elle par embraser cette zone déjà si instable ?


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2013

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