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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Quand la musique se fait prière

Shlomo Carlebach, homme d’une grande profondeur spirituelle, était un compositeur de chants religieux pour tous publics. Ses arrangements ont su toucher aussi bien les Juifs religieux que non religieux. Ses chants ont même dépassé les frontières du monde strictement juif.

Shlomo Carlebach est considéré par beaucoup comme le premier auteur- chanteur-compositeur juif religieux de la deuxième moitié du 20e siècle. Aux Etats-Unis, il a commencé à écrire des chansons dès la fin des années 1950, essentiellement basées sur les versets du Tanakh réglés sur sa propre musique. Dans le cadre de ses interprétations, il évoquait des sujets d'inspiration hassidique, enracinée dans la Kabbale. Carlebach diffusait les enseignements de Habad, Breslov et les écrits de vulgarisation des Rabbins Mordechai Yossef Leiner de Ishbitz et Kalonymus Kalman Shapira de Piasetzno. Son but visait à utiliser la musique pour éduquer et inspirer les Juifs à renouer avec leur identité et à leur faire découvrir la beauté de la vie juive.

Pour bon nombre d’auditeurs, le style Carlebach est considéré comme hassidisme authentique. Ainsi, son auteur est devenu le père fondateur de la musique 'hassidique moderne’. Au début, très connus dans le monde ashkénaze américain mais plus rarement évoqués dans les communautés sépharades, les chants de Carlebach ont vite dépassé ces frontières. En Israël aussi, dès les années 1970, la jeune génération de religieux sionistes qui aspire à une expérience spirituelle plus profonde adopte vite les mélodies hippies néo-hassidiques de Shlomo Carlebach.
Le fait que Carebach ait commencé à l’époque hippie lui a donné ce style ‘’peace and love’’ qui a plu. Par son nouveau ton, il a donné aux milieux juifs des années 60-70 une nouvelle impulsion spirituelle. Il semblait représenter un judaïsme ouvert sur le monde et les autres qui a attiré un grand nombre de traditionalistes et de laïcs juifs. Ce public métissé, aussi bien religieux de toutes tendances que mon religieux, y a recherché quelque chose de nouveau, de philosophique. L’auditoire s’est retrouvé uni dans une communion juive grâce à ces vibrations.
La musique de Carebach emprunte de hassidisme véhicule également la pensée de celle-ci : tout le monde peut avoir accès à la Tora, même le plus simple, et pas seulement les sages ou les savants de la Loi. Cet appel à l’étincelle de l’âme juive a provoqué un grand mouvement de retour au judaïsme car sans utiliser de mots ou de grandes phrases, c’est la musique néo-hassidique qui a su convertir les cœurs de tous ceux qui s’étaient éloignés des sources de la tradition.
Carlebach, considéré comme un pionnier dans ce mouvement de hazara beteshuva (repentance), voulait ainsi encourager de jeunes Juifs devenus hippies à embrasser de nouveau leur patrimoine juif.

Enseignant et musicien, Carebach savait savamment mélanger paroles de Tora et mélodies. Avec près de 1.000 compositions, Carlebach chantait en tous lieux (synagogues, concerts) car pour lui, il n’y avait pas de barrière au message qu’il diffusait. Lors des représentations musicales ou des offices religieux, Shlomo Carebach enflammait le public. Sachant communiquer sa chaleur, sa joie et sa foie, l’adage ‘’c’est une grande mitsva d’être toujours dans la joie’’ s’appliquait parfaitement à lui.

Carlebach menait des minyanim qui étaient à la fois prières et concert. Cette tradition se perpétue encore aujourd'hui dans les " Carlebach Shuls" et "Carlebach Minyanim" de par le monde.

Le chant comme expérience spirituelle juive
Shlomo Carlebach est le premier a avoir démocratisé la musique liturgique juive il y a 30 ans. Il a popularisé la prière où toute la communauté chante, pas seulement le Hazan comme chez les Ashkénazes. Ainsi, Carebach a fait la synthèse entre des mélodies ashkénazes hassidiques et une prière collective sépharade. C’est ce renouveau dans la liturgie qui a plu et attiré un public toujours plus nombreux même chez les sépharades.

La musique de Carebach marque un point de transition entre l’écriture musicale spécifiquement liturgique et la nouvelle musique juive religieuse spécialement créée pour des rassemblements ou des salle de concert. Pour cela, Carebach utilisait des harmonies basiques et des mélodies répétitives. Sa musique à 3 dimensions s’est basée sur des chants et des sonorités hassidiques profonds plutôt en mineur, qui élèvent l’âme par palier vers des niveaux supérieurs. A ces sonorités, il a ajouté un rythme moderne rock ou folk, contrairement à la hazanout classique. Le génie des mélodies de Carebach résident dans leur simplicité, leur style épuré. Ses airs touchent au cœur, aux sentiments. Les airs de Carebach rassemblent l’assistance. Cette musique enrichit la prière et devient la musique de l’âme.
C’est pourquoi les offices Carlebach, appelés "Carlebach minyanim", sont particuliers. Ils ont introduit une ambiance festive spéciale, un judaïsme plus basé sur le cœur et la souplesse que sur la Loi et la tradition. Ils ont conduit à un renouveau dans la prière et ont redynamisé les offices ashkénazes qui se mouraient. On y chante soit des psaumes, soit tout l’office. La beauté des airs engendre un plaisir de la prière. Toute la communauté chante ensemble en chœur, parfois à plusieurs voix. Cette esthétique musicale provoque enthousiasme et entraîne quelques fois le public à danser ou à frapper des mains. Une vraie impression d’harmonie se dégage, comme l’union de tous dans la sainteté. C’est une sorte de méditation par le chant (mélodie et refrain répétés) et par la danse comme moyen d’élévation. Cet ensemble d’attitudes a pour objectif de sublimer la prière pour mieux s’en imprégner. De ce fait, les offices sont plus longs – ils peuvent durer jusqu’à 3 heures - car entièrement chantés. Cependant, le rituel est respecté. Il n’y a pas de changement dans les prières mais seulement dans les airs. Ces offices sont une alternative au rituel récité.
La singularité de l’accueil et de la reconduite du Shabbat comme une mariée se fait  accompagné à la guitare, pour mieux ressentir la prière ensuite. A Safed, les hommes sortent dans la rue pour accueillir le Shabbat, partager sa joie. Cet aspect gai plait autant aux jeunes qu’aux moins jeunes car il a un côté très vivant, contrairement au rite classique.

En Israël, la capitale compte 13 "Carlebach minyanim" à Talpiot, Guivat Shaoul, Rehavia, Nahlaot et 50 à travers tout le pays : à Safed, Raanana, Nevo Modiin entre autres.
A Jérusalem, la communauté de Yakar est un de ces "Carlebach minyanim", destiné surtout aux jeunes anglophones alors que celui de Talpyot attire une communauté plutôt sépharade et francophone.
Dernièrement, un "Carlebach minyan" de Jérusalem a inauguré des offices pour les Yamim Noraim.

Bien qu'il ait composé des milliers de chansons, Carlebach ne savait pas lire les notes de musique. C’est plus le ressenti que la technique qui prime. Ce qui ne l’a pas empêché durant près de 30 ans, d’enregistrer plus de 25 albums qui ne cessent de croître en popularité. Plus les années passent, plus le style Carebach semble s’affirmer. Devenu très prisé, il continue d’essaimer. Il connaît un tel engouement que ses CD sont un véritable succès et sont placés parmi les meilleures ventes de musique religieuse.
Aujourd'hui, beaucoup de groupes juifs dans le genre Rock and Soul sont grandement influencés par les mélodies et chansons de Shlomo Carlebach. Nombre d'hommages musicaux lui sont encore rendus régulièrement de part le monde. Ou quand la musique se fait prière…


Noémie Grynberg 2008

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Commentaires

  • Béatrice Koch

    1 Béatrice Koch Le 27/04/2009

    Ai eu l'honneur de conduire Shlomo Carlebach de son hôtel jusqu'au centre communautaire de Strasbourg où il devait chanter dans les années 80. Moments inoubliables, intenses sur le plan de l'expérience spirituelle, au moment de la rencontre dans le hall de l'hôtel, pendant les chants où les jeunes dansaient et après le concert à la cafeteria lorsqu'il me proposa de me convertir au judaïsme...

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