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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

La sculptrice Brigitte NaHoN : l’équilibre comme symbole de la vie

La sculptrice Brigitte NaHoN est devenue une référence internationale dans le monde de l’art contemporain. Ses œuvres sont exposées dans nombre de galeries et musées français et américains. Installée dorénavant à Tel-Aviv, elle a ouvert les portes de son atelier.

A quand remonte votre attirance pour l’art ?
Brigitte NaHoN : Depuis toujours. Très jeune, j’ai ressenti la matière. A l’âge de 3 ans, j’ai eu un blocage de la parole. J’ai donc fait de l’art-thérapie, du modelage, ce qui m’a aidé à parler. L’art est ainsi devenu mon premier langage. Ensuite, vers l’âge de 6 ans, j’ai commencé à réaliser des sculptures avec des écorces de pin.

Quel a ensuite été votre parcours ?
B. N. : Parallèlement à mon bac C, je suivais des cours de dessin. A 18 ans, j’ai passé le concours des Arts Plastiques à Aix en Provence. J’y ai obtenu ma maîtrise. Pour mon DEA, je suis partie à Paris. Pendant quatre ans, j’ai préparé ma thèse de doctorat pour finalement ne pas la passer. J’exposais déjà et travaillais comme professeur d’arts plastiques. En 1994, j’ai remporté le concours de la ‘’Villa Médicis’’, section sculpture, ce qui m’a permis de partir travailler à New-York où je suis restée 14 ans.

b-nahon-brillance.jpgPourquoi avoir plutôt choisi la sculpture comme moyen d’expression ?
B. N. : J’adore l’alpinisme, les pierres en équilibre. La montagne questionne sur la notion d’espace en 3 dimensions, sur le rapport de soi et du spectateur à l’espace. Ce qui compte avant tout, c’est le concept d’équilibre c’est-à-dire de la vie. La sculpture doit poser une interrogation sur sa beauté. Elle traduit un travail interactif sur l’espoir. J’aime qu’elle dérange par sa problématique par rapport au monde, à l’espace, aux autres. Ma création explore l’idée d’absence/présence (celle qu’on ne voit pas).

Que décrivez-vous à travers vos œuvres ?
B. N. : Il s’agit de ressentir et de voir les choses autrement. Connaître ses limites et vouloir les dépasser sans cesse. Ma démarche artistique est sous-tendue par la recherche d'une stabilité toujours nouvelle, inattendue. Je travaille sur le principe d’équilibre (mental, physique) c’est-à-dire de la vie, où tout devient possible dans le meilleur des cas. Je réfléchis sur la passivité efficace dans la création artistique à savoir comment les éléments naturels (mer, vent, glace) agissent sur ma sculpture. Je cherche à ce que tous les publics me comprennent. Chaque peuple, chaque culture peut s’approprier mes créations.

Comment travaillez-vous ?
B. N. : Je pousse les matériaux - c’est-à-dire la nature - jusqu’à leurs limites : pierre, verre, cristal de baccara, plastique, colle, plexiglas, fil, tissus, miroir, bois, objets, œuf cru. Je me donne beaucoup dans mon art. C’est lui qui engendre le déclic, les idées soudaines dépendant d’états d’âmes ou de rêves. J’élabore plusieurs séries à la fois mais chaque groupe d’ouvrages reste lié. Il n’y a pas de rupture dans mon travail. C’est un fil continu. Je construis une œuvre en tant que vie entière. Actuellement, je creuse le thème du triangle, entre chaos et esthétique. Je m’intéresse aussi à la notion de sacré et de reflet.

Que représentent pour vous l’esthétique par rapport au technique ?
B. N. : Je ne suis pas une artisane. L’esthétique est très importante, la technique moins.  Je n’y pense pas. Ce côté n’est là qu’au service de l’esthétique. Si je pouvais m’y soustraire, je le ferais mais il faut en passer par là. La répétition technique permet un ‘’voyage’’, une sorte de méditation dans laquelle les idées se croisent. Je parle le plus d’esthétique par les couleurs, les formes, la transparence. L’intérêt, c’est le résultat élégant, la grâce.

Quelles sont vos inspirations, vos influences ?
B. N. : Je me nourrie de tous les arts, de la beauté de la vie, d’espoir. Mon identité m’influence certainement inconsciemment, de l’intérieur. Je suis très spirituelle.

En quoi votre plastique se distingue-t-elle ?
B. N. : Chaque être humain possède sa spécificité. Mon art reflète mon autoportrait, les chapitres de ma vie. Il suit mon évolution intérieure liée à l’extériorité pour créer un espace plus grand. Mes sculptures s’inscrivent dans mon rapport aux autres.

Que vous ont apporté vos voyages à l’étranger ?
B. N. : Beaucoup de choses, notamment penser différemment. Le pays qui m’a le plus marquée demeure l’Inde ; une expérience de 3 mois avec les Intouchables, qui m’a remise en question face au lien familial. Je me suis aussi interrogée sur mon vrai lieu d’appartenance.

Quelle place prend l’art dans votre vie ?
B. N. : Le travail occupe mon existence entière. Depuis 1997, je ne vis que de mon art. Vue mes données financières et professionnelles, j’ai choisi très jeune de ne pas avoir d’enfant, par sens de la famille, des responsabilités. Pour moi, être à la fois artiste et mère me parait très difficile. Sacrifier une part de mon métier à un enfant ou sacrifier l’éducation d’un enfant à la sculpture me semble un déchirement.
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Qu’évoque pour vous Tel-Aviv en tant qu’artiste ?
B. N. : J’y vis et travaille depuis seulement un an et demi. Pour moi, Tel- Aviv représente une ville ouverte, vivante, cosmopolite, tolérante, extrêmement créative et riche artistiquement. Toutes sortes de cultures s’y côtoient. C’est extraordinaire. Il s’y passe toujours quelque chose. C’est comme un petit Manhattan qui m’est familier, un petit New-York ou Paris. Tel-Aviv compte aussi de grandes galeries internationales d’art contemporain. De plus, la Méditerranée et le ciel bleu me rappellent mon Nice natal.

Quels sont vos projets, vos attentes à venir ?
B. N. : Fin décembre, je pars pour la première fois à Moscou, invitée par un collectionneur. J’ai une exposition en vue à New-York et une autre à Paris. Je devrais également présenter mes œuvres dans une galerie israélienne. Mon ambition vise à réaliser le plus beau travail possible, à le montrer, à étonner le public et à l’interpeller.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2011

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