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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Sud Soudan : un nouvel Etat est né

Depuis des décennies, le régime islamique de Khartoum est accusé de discrimination systématique envers le Sud Soudan tribal animiste et minoritairement chrétien. Les élections tenues début janvier 2011 ont finalement décidé de séparer les citoyens du pays en guerre civile depuis 1983. Enfin, après des années de lutte armée sanglante, lors du référendum du 9 juillet dernier, 98 % des votants du Sud se sont prononcés en faveur d'une sécession d'avec le Nord régi par la charia. Proclamé indépendant, le Sud Soudan devient ainsi le 54e Etat du continent africain et le 193e membre de l’ONU.

L’indépendance du Sud Soudan a fait suite à des négociations débouchant sur un accord conclu avec le Nord. Le nouvel Etat est désormais officiellement reconnu par Khartoum. Mais ce jeune pays, l'un des plus pauvres de la planète, est-il viable ? Economiquement, les trois quarts des réserves pétrolières soudanaises se trouvent au Sud qui hérite ainsi d’une réserve potentielle de 6,5 milliards de barils. La région concentre en effet au moins 5 zones productrices et 8 champs de pétrole. Le Sud Soudan apparaît comme le troisième producteur d’or noir en Afrique après le Nigeria et l’Angola. Il envisage d’ors et déjà l’exportation de son importante production d’hydrocarbure via l’Océan Indien. La Banque Mondiale a d’ailleurs accordé au nouvel Etat une aide de 75 millions de dollars pour ces projets d’infrastructures. De plus, la zone contiendrait aussi de l’or et de l’uranium.

Les réactions israéliennes
La création d’un État indépendant au Sud-Soudan réjouit Jérusalem. Le jour même de sa proclamation de souveraineté, le gouvernement israélien a reconnu le nouveau pouvoir en lui souhaitant du succès. Dans un communiqué, l’Etat hébreu a assuré Juba (capitale du Sud-Soudan) de son soutien. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré « Ce pays aspire à la paix et nous serons heureux de coopérer avec lui pour contribuer à sa prospérité. Israël désire établir des relations pacifiques avec le nouvel Etat ». Jérusalem se montre optimiste car l’Etat hébreu bénéficie d’un préjugé favorable auprès des Sud-Soudanais. De fait, la coopération entre les deux pays ne date pas d’hier. Israël et le Sud-Soudan ont collaboré durant les années 60 et 70. En 1967, les rebelles ont offert leur aide discrète pour empêcher l'armée soudanaise de prendre part à la Guerre des Six-Jours. Israël les a récompensés en leur envoyant des armes arabes et des équipements saisis lors du conflit, pour les soutenir dans leur propre lutte contre Khartoum. Aujourd’hui, les investisseurs israéliens s’intéressent de plus en plus au potentiel énorme du Sud Soudan. De nombreux experts y sont déjà présents, notamment dans l’agriculture. Certains hommes d’affaires israéliens sont dorénavant entrés en contact avec les autorités locales pour des projets hôteliers de luxe ou commerciaux comme la mise en place d’une ligne aérienne Tel-Aviv-Juba-Nairobi exploitée par la compagnie El Al.

Selon les experts israéliens, la probabilité que la nouvelle administration africaine naissante établisse des relations avec l’Etat hébreu semble "très bonne". En effet, le Sud-Soudan souhaite mettre en place "des relations avec tous les pays du monde et ne sera l'ennemi de personne. Il y a des relations entre des pays arabes et Israël, alors pourquoi pas nous ?" a indiqué le ministre de l'Information du nouveau gouvernement, Barnaba Marial Benjamin. Le Sud-Soudan a d’ailleurs l’intention d’ouvrir 21 ambassades dans les principaux pays du monde : Europe, quelques pays africains, USA et Israël. Le jeune Etat pourrait servir Jérusalem en tant qu'allié en dehors du Moyen-Orient, une sorte de retour à la doctrine de David Ben-Gourion, à savoir tisser des liens avec des pays non-arabes. Déjà, l'association israélienne IsraAID a pris les devants en projetant d’envoyer une cargaison d'assistance humanitaire pour soutenir le peuple du Sud-Soudan, comme un geste de bonne volonté entre les deux pays.

La question des réfugiés
Une interrogation demeure : quel avenir pour les nombreux émigrants soudanais en Israël ? Selon l'Autorité des Populations et de l'Immigration, sur les 31.000 migrants illégaux du pays, 8.700 sont Soudanais dont 20% du Sud. Plusieurs milliers d’entre eux ont obtenu le statut de réfugiés politiques. Tous sont entrés clandestinement sur le territoire israélien via les filières du Sinaï égyptien. D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur israélien a appelé à entamer des négociations immédiates pour organiser le retour de plusieurs centaines de migrants soudanais ayant traversé la frontière illicitement au cours des dernières années. Cependant, les experts et les hauts fonctionnaires en liaison avec le HCR souhaitent examiner de plus près la possibilité de retour des réfugiés, tant que la situation n’est pas stabilisée. Ils ont prévenu l’Etat hébreu de rester vigilent.

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En attendant, des milliers de Sud Soudanais du sud de Tel-Aviv et d’Eilat ont célébré le 9 juillet dernier l'indépendance de leur pays. Beaucoup d'entre eux ont fièrement agité le drapeau de leur pays et sont allés prier dans les églises du sud de Tel-Aviv pour cette occasion historique. "C'est un jour très excitant pour nous. Enfin, nous avons un Etat" ont-ils déclaré avec joie. "Maintenant, nous allons avoir une meilleure vie. Je crois que beaucoup de gens veulent retourner au pays maintenant, bien qu'il y ait encore là-bas une certaine insécurité, en particulier vis à vis du nord Soudan" a indiqué un des participants.

Quoi qu’il en soit, la normalisation de relations diplomatiques entre Israël et le Sud-Soudan présente un triple intérêt pour l’Etat hébreu : une présence israélienne en Afrique, un allié hors Moyen-Orient ainsi qu’un nouveau fournisseur pétrole.

De plus, Israël se sert de l’exemple des négociations bilatérales soudanaises pour la création d’un nouvel Etat indépendant pour tenter de bloquer la proclamation unilatérale d’un État palestinien en septembre prochain à l’ONU. Ce précédent fera-t-il école ? C’est là tout le suspens de la rentrée.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2011

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