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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Quand l’Amérique du Sud reconnait la ‘’Palestine’’

Vingt deux ans après l’auto-proclamation à Alger de « l’Etat palestinien » par feu Yasser Arafat et suite aux efforts ininterrompus de l’Autorité Palestinienne pour obtenir sa reconnaissance internationale, certains pays d’Amérique du Sud se déclarent aujourd’hui officiellement prêt à le légitimer.

Un Etat palestinien autoproclamé qui passerait outre le processus de négociations, infirme son engagement envers Israël, sensé être garanti par les membres de la communauté internationale. Il porterait préjudice à toute discussion de paix raisonnable entre les parties et indique le manque prononcé d’une véritable volonté d’atteindre un accord.

Que signifie en fait un ‘’Etat libre et indépendant’’ ? L'indépendance désigne l’acquisition d’une autonomie politique, libérant une entité territoriale de sa sujétion à une autre puissance. L’Etat libre dispose de son propre gouvernement et se dirige lui-même. De facto, depuis 1996, l’Autorité Palestinienne se gère directement dans un cadre défini administrativement et constitutionnellement, régi par son pouvoir central.

Aussi l’annonce de la reconnaissance de la ‘’Palestine libre et indépendante dans ses frontières de 1967’’ par le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay, l’Equateur et le Chili dément les précédentes déclarations du Brésil et de l’Argentine au conseil de Sécurité des Nations Unies en 1967, en faveur de frontières librement négociées entre les parties et d’un processus de paix soutenu internationalement comme écrit dans la résolution 242 de l’ONU.

Les antécédants
Les soudaines déclarations provenant des pays sud américains sortent-elles ex-nihilo ? Pas vraiment. Le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay entretiennent d’étroites relations. D’abord, les 4 pays font partie du Mercosur (communauté économique des pays d'Amérique du Sud). De plus, dans sa stratégie internationale, le Brésil qui vise à obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, a soutenu en 2005 la candidature de l’Uruguayen Carlos Perez del Castillo au poste de secrétaire général de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce). C’est aussi dans sa perspective de prendre la tête du bloc sud-américain que l’ex Président du Brésil Lula, a initié le premier sommet entre les 12 pays sud-américains et les 22 pays arabes en vue d’une future coopération économique, commerciale, culturelle et politique.
Ainsi, au 1e Sommet latino-arabe de Brasilia, en 2005, l’Amérique latine et les pays arabes auraient déclaré vouloir s’allier diplomatiquement pour apporter un soutien unanime à la cause palestinienne. Cette politique visait à contrer celle de l’Amérique Centrale rangée plutôt du côté nord américain.
Lors du second Sommet arabo-sud américain de Brasilia, en 2009, les 34 pays participants ont réitéré, dans l’optique de leur coopération gouvernementale, leur soutien à la lutte des Palestiniens pour un Etat indépendant.
Dans ce contexte, on peut également s’interroger sur la corrélation existant entre la reconnaissance de la ‘’Palestine’’ et le rapprochement ces dernières années du Brésil et de l’Uruguay avec l’Iran dans la perspective du développement d’un dialogue sud-sud contre les Etats-Unis et leurs alliés. Quant à l’Argentine, bien qu’elle n’opte pas officiellement pour un rapprochement avec Téhéran, elle est depuis longtemps infiltrée par les réseaux terroristes du Hezbollah pro-iranien.
Enfin, selon certaines sources, l’Amérique du sud compterait aujourd’hui une communauté de 17 millions d’arabes. Rien qu’au Brésil, on dénombrerait près de 12 millions de ressortissants de cette origine dont 20% d’élus. Leur poids électoral influence-t-il effectivement la diplomatie sud américaine ?

Au vue de ces faits, les annonces du Brésil, de l’Argentine l’Uruguay, le Paraguay, l’Equateur et le Chili concernant l’Etat palestinien semblent confirmer leurs positions politiques fixées et exprimées depuis longtemps.

Risques politiques de dérapages
Ce qui paraît curieux c’est que les 4 pays du Mercosur qui ont signé en 2005 un accord-cadre avec Israël n’ont cependant jamais participé au processus de paix au Proche-Orient. Pour le Ministère israélien des Affaires Etrangères, la déclaration de reconnaissance d’un ‘’Etat palestinien’’ par le Brésil, l’Argentine l’Uruguay, le Paraguay, l’Equateur et le Chili constitue une interférence très dommageable dans les pourparlers israélo-palestiniens. Pour Alan Baker, ancien Ambassadeur d’Israël au Canada, cette reconnaissance reste prématurée, légalement invalide et sape la bonne foi du processus de paix. Elle pose le double problème légal et politique des relations bilatérales entre Israël, l’Autorité Palestinienne et les Etat d’Amérique du Sud.
De plus, la reconnaissance d’une entité politique ne suffit pas à créer un Etat. Il faut pour cela des critères internationaux comme une capacité de gouvernance, une population permanente, des territoires définis et une capacité à lier des relations avec les autres Etats.
Le précédent que constitue la reconnaissance d’un ‘’Etat palestinien libre et indépendant’’ se révèle dangereux car il peut inciter d’autres pays à en faire autant. L’Union Européenne a d’ailleurs menacé à son tour en décembre dernier de reconnaitre la déclaration unilatérale d’indépendance si les discussions israélo-palestiniennes n’aboutissaient pas au cours de l’année. Saeb Erekat, chef des négociateurs de Ramallah, a exprimé son souhait que prochainement, les Etats-Unis approuvent à leur tour l’indépendance de la ‘’Palestine’’. Mais cela semble peu probable car les Etats-Unis extrêmement légalistes ne peuvent entériner une décision non conforme à la législation et aux conventions internationales, en dehors de toute négociation.

Enfin se pose la question que tous emblent taire : de quel ‘’Etat palestinien’’ s’agit-il, celui de Ramallah, de Gaza, les deux ? Aujourd’hui, on ne peut plus parler d’un seul ‘’Etat palestinien’’ puisque deux entités existent et ne se reconnaissent pas mutuellement, s’opposent politiquement et possèdent chacune leurs propres institutions gouvernementales.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2010

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