Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Le jeûne

Le fait de ne pas manger ni boire, est-ce sain pour la santé, cela comporte-t-il des risques ? Quelles conséquences sur l’organisme ? Enquête.

L’abstinence n’affecte pas les gens en bonne santé et peut même contribuer au bien-être de certains. Cependant, quelques uns ressentent des effetsJeune indésirables passagers tels que : frilosité, fatigue, hypotension, maux de tête, douleurs lombaires, brûlures d'estomac, palpitations cardiaques. Quant aux personnes malades ou sous médicaments, mieux vaut consulter un médecin avant le jeûne.

Est-ce bon pour moi, docteur ?
Thierry Guedj, médecin de famille et directeur du Centre médical francophone de Netanya précise quelques recommandations pour un jeûne facile, efficace, à la portée de tous.

Que représente le jeûne complet au niveau médical ?
Docteur Thierry Guedj
: L’aspect psychologique s’avère plus important que l’effet physiologique. Le corps peut résister sans manger.

Comment bien s’y préparer ?
Dr. T. Guedj
: Tout dépend de l’état de la personne. Pour celle en bonne santé, il est surtout essentiel de boire beaucoup la veille et quelques jours avant le jeûne. Le plus capital étant de remplir ses réserves d’eau. Il est également conseillé de ne pas faire de repas trop de gras et de baisser sa consommation de café. Par contre, un malade ou un individu souffrant se doit d’en parler au médecin, de le questionner pour savoir s’il peut faire un jeûne complet et de vérifier avec un rabbin au niveau halakhique, quel médicament prendre et à quelle dose.

Quels aliments privilégier avant ?
Dr. T. Guedj
: Les sucres lents tels le riz, les pâtes, les patates, le pain, le mais, le couscous. Au niveau des protéines, les doses normales suffisent. Par contre, ne pas manger trop de graisse ni de sel car cela entraine une poussée de tension ou une rétention d’eau pouvant aller jusqu’à l’œdème. Aucun intérêt donc.

Pourquoi certaines personnes supportent-elles mieux ou moins bien l’abstinence que d’autres ?
Dr. T. Guedj
: Encore une fois, l’aspect psychologique se révèle très marquant. Pour certains, le jeûne prend des proportions énormes. En général, si l’on s’occupe toute la journée, on ne sent rien. En revanche, les gros consommateurs de thé, de café ou de tabac peuvent mal supporter l’abstinence à cause d’un effet de manque qui engendre des migraines. Dans ce cas, il est préconisé aux fumeurs de porter un patch.

Permet-elle une meilleure concentration ?
Dr. T. Guedj
: Non, pas au niveau physiologique, contrairement au café ou au tabac par exemple. Ce qui aide à la concentration, c’est plutôt l’intention de l’acte.

A-t-elle un effet au niveau mental, intellectuel ?
Dr. T. Guedj
: Non plus. Un jeûne de 24 heures ne « décrasse » pas les neurones.

A qui le jeûne n’est-il pas recommandé ?
Dr. T. Guedj
: Le jeûne complet (sans boire) est défendu aux personnes en insuffisance rénale et cardiaque, à celles sous diurétiques, souffrant d’un épisode infectieux ou d’hyper-tension car il est interdit de mettre sa vie en danger ou de vouloir en faire plus. En tant que praticien, je dis qu’il est primordial d’en discuter avec son médecin pour qu’il vous conseille en fonction des médicaments et de s’adresser à un rabbin pour respecter la halakha. Il faut une coordination entre les deux. C’est pourquoi l’avis d’un Rav en plus des instructions d’un thérapeute reste essentiel. En effet, il n’est pas judicieux psychologiquement de priver de jeûne les personnes âgées par exemple, car elles se croient alors exclues d’un événement religieux très important. Leur abstinence doit s’adapter à leur état de santé. Cet aspect s’avère majeur pour que les séniors ne se sentent pas diminués. Nos sages ont d’ailleurs réfléchi à ces questions et apporté des réponses adéquates. On voit donc une corrélation entre médecine et halakha. Concernant les femmes enceintes, c’est au cas par cas en fonction de l’état de chacune. De toute façon, il n’y a pas deux cas semblables. Quant aux individus qui prennent des vitamines ou des médicaments anti-cholestérol, ils peuvent s’en passer pendant un jour car ils ne sont pas indispensables.

Agit-il de la même façon suivant l’âge ?
Dr. T. Guedj
: Il ne s’agit pas d’une question d’âge mais d’habitude. Les réactions sont plus d’ordre mental que physique. L’abstinence semble plus dure à ceux consommant du gras, du sucre, des hydrates de carbone en grosse quantité car ils éprouvent une carence. Par conséquent, il est recommandé quelques jours avant de manger moins lourd.

Comment combattre ses effets négatifs (maux de tête, d’yeux, somnolence, frissons, etc.) ?
Dr. T. Guedj
: Les sépharades ont l’habitude d’emporter avec eux un cédrat planté de clous de girofle. D’autres prisent du tabac ou respire du Cologne pour se stimuler. Il est aussi préconisé de se lever, de marcher un peu, de s’aérer. Dormir ou faire une sieste empire le coup de barre et les maux de tête. S’allonger n’améliorera pas non plus son état, ou alors pas trop longtemps. La meilleure solution reste de participer à la prière, d’être pris dans le rythme pour parer à la fatigue. Il parait bon aussi d’éviter le stress climatique qui provoque une hypo-glycémie. En état de jeûne, la chaleur semble insupportable. Elle cause la déshydratation et la somnolence. Un climatiseur réglé à 24-25°C maintient tout le monde d’aplomb.

Finalement, est-ce bénéfique ou non pour le corps, au niveau de la désintoxication ?
Dr. T. Guedj
: Il n’est pas prouvé scientifiquement que le jeûne purifie l’organisme. Pour les personnes qui pratiquent une bonne hygiène de vie tout au long de l’année, il n’apporte rien de plus. Pour les autres, cela leur fait du bien d’avoir moins de gras et de sucre dans le corps au repos. Pour conclure, je dirais qu’en plus de faire un examen de conscience, on peut en profiter pour faire un « examen de corps ». Ce qui reste tout à fait en accord avec la Tora.

Pour terminer, comment bien couper le jeûne ?
Dr. T. Guedj
: Inutile de se précipiter ou de faire un repas trop riche immédiatement après. Il vaut mieux couper le jeûne en deux étapes : d’abord une petite collation sucrée, par exemple avec un gâteau pour faire rapidement remonter le niveau de glycémie, puis un repas de sucres lents. Le tout, progressivement pour ne pas distendre l’estomac, sinon il y a risque de syncope, de malaise, de vertige ou de nausée. Concernant la boisson, qui manque le plus au corps, il est préférable de boire chaud afin de dilater l’estomac. Le froid au contraire risquerait de le contracter.


Noémie Grynberg 2015

 

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