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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Publicité et halacha : les règles de la réclame kasher

En Israël, depuis une quinzaine d’années, la publicité connaît une révolution dans le monde orthodoxe. Ce secteur réputé pauvre, composé de familles nombreuses, dépourvu d’annonces commerciales, subsistant avec le minimum vital offre une réalité socio-économique légèrement différente. Bien qu'elle soit parmi les plus pauvres de la société israélienne, la population haridit connaît dernièrement une évolution interne qui se répercute sur son mode de consommation et donc sur la publicité. Et les prévisions démographiques indiquent une constante croissance de ce secteur en expansion.

Selon Shmouel Niesenkiern, co-directeur de l’agence de communication D&C de Richon Le Tsion, aujourd’hui le monde orthodoxe israélien est en mutation. De plus en plus d’hommes travaillent, étudient à l’Université, se forment à de véritable métier. Ce qui a pour conséquence d’entraîner un changement socio-économique et consumériste. Le monde haredi commence désormais à acheter des produits de luxe (voitures, logements, vacances) en plus des produits habituels. La publicité a donc dû s’adapter à cette évolution capitaliste. Les agences ont découvert la grande force d’achat de cette population et les entreprises y ont trouvé un nouveau marché à développer.

Concernant son mode de consommation, de manière général, le public haredi investit son argent dans des produits de base : nourriture, produits ménagers, produits pour bébé, etc. Le secteur orthodoxe reste bien informé sur ces produits, leur qualité et leur prix comparatifs grâce entre autre à la communication interpersonnelles élevée et importante au sein de cette population (le bouche à oreille demeure le meilleur vecteur de promotion).

Spécificité de la publicité orthodoxe
Dans l’ univers de la publicité orthodoxe, les concepts et les campagnes ne s’appuient par sur la séduction du consommateur mais s’adaptent au caractère social de leur public. Ainsi, la communication se fait autour des thèmes de la famille, de la communauté ou de l’éducation des enfants principalement, confirme Shmouel Niesenkiern. Elle respecte les règles halakhiques de décence et de morale, au niveau visuel et textuel, s’accordant au mode de vie et de langage orthodoxe. Contrairement aux réclames classiques, les annonces orthodoxe se caractérisent par un design graphique sobre, l'accent étant mis sur les formulations verbales détaillant le produit. Le langage lui-même est surveillé : pas d’argot.
Certains styles de publicité ne sont pas acceptés. Les médias haredi connaissent des mécanismes de surveillance et d'autocensure d’autant plus pertinents dans le domaine de la publicité surtout lorsqu’il s’agit de sexe, de richesse, etc. Chaque journal possède son propre comité de rabbins décidant de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas.
En Israël aujourd’hui, chaque agence de marketing dispose d’un bureau spécialisé pour le monde haredi. Ceux qui y travaillent ne sont pas forcément religieux mais appliquent les principes du message publicitaire selon la cible. Cependant, le monde haredi se divise en plusieurs communautés et les limites de la bienséance publicitaire varient de l’une à l’autre. Par exemple, les orthodoxes israéliens seraient plus stricts, plus fermés que ceux de France ou des Etats-Unis habitués aux normes occidentales et donc moins rigoureux concernant Internet par exemple. C’est une question de mentalité analyse le co-directeur de D&C.

Deux options existent pour une société désirant faire de la publicité destinée à la communauté haredit :
a) engager une entreprise de communication généraliste pour une campagne non différenciée entre public orthodoxe et non-orthodoxe. L’avantage de cette option repose sur l’ancienneté et l’expérience de ces entreprises. De plus, une campagne globale coûte beaucoup moins cher qu'une campagne distincte ciblée
b) opter pour une campagne légèrement différente concernant le public haredi. Le choix d'un publiciste orthodoxe capable de s’adresser de façon spécifique à ce secteur particulier offre un avantage crucial. Lorsque le rédacteur ne connaît pas le public cible (ou pire, qu'il croit le connaître), le résultat peut se révéler dévastateur : l'échec pur et simple des campagnes de publicité généraliste au sein du secteur ultra-orthodoxe.

Aujourd’hui, la publicité orthodoxe est devenue très professionnelle, adaptée et étudiée en fonction de son public. Elle accroche et se chiffre en plusieurs millions, conclut S. Niesenkiern.

David Zilbershlag, un publiciste haridi hors du commun
david-zilbershlag.jpgDavid (Dudi) Zilbershlag est un éminent homme d’affaire orthodoxe. En 1993, il fonde son agence de publicité « Ksharim » (liens en hébreu) spécialisée pour le public haredi. Il travaille également comme conseiller stratégique auprès de plusieurs personnalités publiques (Benyamin Netanyahu lors des élections de 1996 et Ehud Barak en 1999) et de grandes entreprises.
Médiateur public respecté, il est l’éditeur du renommé hebdomadaire orthodoxe « Bekéhila », consultant médiatique ainsi que membre du conseil d'administration de la radio Kol Chai.

En tant que publiciste, Zilbershlag affirme qu’il n’y a aucun problème halakhique à publier une photo de bébé fille. D’ailleurs, il en diffuse dans son propre journal. Selon lui : « le Zohar dit qu’une fille pure de tout péché n’éveille pas de pensées interdites ».
En 2007, Dudi s’implique dans la campagne publicitaire pour une marque de boisson énergisante à destination du public orthodoxe en y voyant un intérêt particulier. Selon lui, cette boisson aiderait les bahourei yeshiva à rester éveillés plus longtemps pour étudier. « C’est une très bonne idée, spécialement pour les veillées du jeudi soir – lorsque les étudiants de yeshiva restent debout toute la nuit, plongés sur les Ecritures. Cela peut être un bon substitut au café ou aux cigarettes qu’ils consomment pour rester éveillés ». Dudi pense également à cette boisson pour remplacer l’alcool dans les mariages et autres fêtes.
De plus, pour le projet du tramway de Jérusalem, la société en charge de sa réalisation a embauché David Zilbershlag comme consultant pour sa promotion.

Au cours de sa carrière, Dudi a été actif au sein de séminaires auprès d’entreprises intéressées par la restauration en secteur orthodoxe, en préconisant l'importance stratégique de regrouper des personnes de différentes congrégations avec des niveaux d’observance divers afin de communiquer et de créer ensemble. En tant que Juif pratiquant, il a toujours été préoccupé par la grande scission entre les camps laïc et religieux, ainsi que par l'énorme fossé entre les riches et les pauvres. Cette pensée lui a inspiré l'idée de fonder un projet basé sur la coopération, de créer un pont de tolérance et de compréhension au-delà des stéréotypes et de générer un esprit communautaire entre tous les Juifs. Ainsi en 2000, il lance Meir Panim, une soupe populaire à Jérusalem (aujourd’hui la plus importante association caritative d’Israël) et « Koah Latet » (la force de donner en hébreu), une association de dons divers, en souvenir de son fils de 13 ans décédé des suites d’une longue maladie incurable. A travers Meir Panim, son fondateur cherche à étendre la responsabilité sociale de chacun dans le respect de la dignité des nécessiteux quels qu’ils soient.
Par ses diverses actions et responsabilités, David Zilbershlag est devenu un leader communautaire respecté, un modèle de réussite alliant Torah et communication laméhadrin. Ou quand la publicité rencontre le hessed.


Israel Magazine / Noémie Grynberg 2009

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