Créer un site internet
Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Les Israéliens et la paix face au « plan Kerry »

Alors que depuis juillet 2013, John Kerry, le secrétaire d'État américain, tente par tous les moyens de trouver un accord-cadre pour le processus de paix israélo-palestinien, l’Institut Israélien de la Démocratie (IDI) a publié début février un sondage instructif sur l’opinion publique israélienne à propos d‘un éventuel arrangement avec l’Autorité Palestinienne.

Quel serait l'impact d'un accord-cadre américain dans les négociations avec les Palestiniens sur le public et le gouvernement israéliens ? C’est ce qu’a tenté de déterminer la dernière étude menée par l’Institut Israélien de la Démocratie, en collaboration avec l’Université de Tel-Aviv. Les résultats révèlent que 67% des Juifs israéliens, toutes tendances confondues, pensent que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ne peut échapper aux pressions américaines. Aussi, celles-ci peuvent avoir des retombées sur la coalition, à savoir que Netanyahu forme un nouveau gouvernement avec les travaillistes et les ultra-orthodoxes si les parties Habayit Hayehudi et Israël Beiteinu s’opposent aux injonctions de Washington. 48,5% des personnes interrogées penchent pour ce scénario, tandis que 42,5% le considèrent comme improbable. En cas de refus israélien, 50% des sondés jugent que les chances de sanctions économiques conduisant à un boycott de la part des Etats-Unis demeurent élevées tandis que 47% les considèrent comme faibles.
De là, la question est de savoir si Israël sera capable ou pas de faire face avec succès aux sanctions imposées et si le pays sera apte ou non à modifier ses positions concernant les futures négociations. 49% estiment qu'Israël pourra gérer la situation contre 46% sûrs de l’inverse. Mais il existe ici de grandes disparités suivant les camps politiques : seuls 32% de la droite pensent qu'Israël aurait du mal à résister à la pression sans réviser ses positions, face à 56% du centre et 67% de la gauche.
Autre problème crucial évoqué : en échange d'un accord de paix, Israël pourrait-il accepter le retour d'un certain nombre de réfugiés palestiniens? L'enquête montre une opposition généralisée du public juif (80,5%) à cette idée. Au-delà de cette question pragmatique, du point de vue moral, l’Etat hébreu doit-il assumer la responsabilité de « la souffrance des Palestiniens » ? 74% des répondants juifs ne croient pas qu’en retour d'une paix durable, le pays devrait reconnaître même partiellement, son implication dans le sort des réfugiés Palestiniens.
Par contre, 77% de l’ensemble des sondés ont répondu qu'il est important pour eux que dans le cadre du règlement du conflit, les Palestiniens reconnaissent Israël comme l'Etat du peuple juif. Ce que 60% des Arabes d’Israel se disent prêts à faire . Une segmentation des réponses par camp politique montre la répartition des tendances sur cette question : 63 % pour ceux qui se situent à gauche, 84% au centre et 77% à droite. Particulièrement intéressante est la différence des motifs invoqués. Tandis que ceux de gauche voient principalement cette reconnaissance comme une juste récompense pour l’acceptation d'un Etat palestinien (19%) ; au centre et à droite, cette acceptation palestinienne signifie admettre le principe de base du sionisme (41%). Et 29% de l’ensemble considèrent cette légitimation comme importante car elle s’oppose à l’idée de faire d'Israël un « Etat de tous ses citoyens ».
A propos des échanges de territoires, le plan Kerry inclurait un retrait israélien de la Judée Samarie et de Jérusalem-Est. L'échantillon des personnes interrogées se révèle, lui, divisé quant à la proposition du Ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman : dans le cadre d'un accord avec les Palestiniens, les grands blocs de colonies seraient annexés à Israël alors que le Triangle (plaine orientale du Sharon, les contreforts de Samarie et les frontières orientales des districts du Centre et de Haïfa) ainsi que des parties arabes de la Galilée seraient annexés à l'Etat palestinien. 43% appuient cette option contre 51% qui s'y opposent. Le taux d'adversaires à droite s'élève à 52,5%, 45,5% au centre, 67% à gauche. En tout cas, 85% donnent peu de chances pour que le projet soit accepté par les Palestiniens ou les Arabes israéliens.
Parallèlement, concernant l’incitation à la haine anti-israélienne dans l'éducation et la propagande palestiniennes, 54% des personnes interrogées affirment qu'il est inutile de poursuivre les pourparlers de paix parce que cette tendance prouve que les Palestiniens ne sont pas du tout intéressés à parvenir à un accord. 41% prétendent qu'il existe une chance raisonnable que cette incitation faiblisse jusqu’à peut-être arrêter complètement après un accord qui soit acceptable pour les Palestiniens. Sur cette question, les écarts entre les camps politiques s’avèrent flagrants : à droite, 77% sont d'accord avec la première position, contre à 42% au centre et seulement 21% à gauche.

Pour conclure, la majorité des Juifs israéliens pensent que les Palestiniens ne veulent pas la paix. 54% estiment qu'il est donc inutile de poursuivre les pourparlers. Par contre, 77% des Juifs israéliens pensent que les Palestiniens doivent reconnaitre Israel comme Etat juif. Pourtant, le principal négociateur des accords de paix de l'Autorité palestinienne, Saeb Erekat, s’est montré intransigeant pour les prochains pourparlers : "Nous n'allons pas reconnaître Israël comme un Etat juif". De plus, les Palestiniens demandent clairement de considérer la ligne de cessez-le-feu de 1967 comme frontière des deux Etats israélien et palestinien, de désigner Jérusalem-Est comme capitale de la Palestine et de qualifier d'illégales les implantations juives de Judée-Samarie et de Jérusalem. Dans ces conditions, malgré ses onze voyages en 7 mois, l’émissaire de Washington arrivera-t-il à faire signer les grandes lignes d’un règlement définitif portant sur le "statut final" comprenant le problème des frontières, de la sécurité, du statut de Jérusalem et des réfugiés palestiniens ?


Noémie Grynberg / Israel magazine 2014

 

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire

Anti-spam