Israel dans la course au cannabis médical

Les 9 et 10 septembre 2019 s’est tenue à Tel Aviv la 4^e Conférence internationale sur le cannabis médical. Toute l’industrie israélienne du secteur était là pour présenter ses innovations. Les nombreux stands d’entreprises leaders ou de start-ups locales ont ainsi pu faire découvrir aux professionnels de l’étranger l’étendue de leurs applications dernier cri.

Depuis des années, le cannabis s’invite régulièrement dans le débat public, que ce soit pour son coté récréatif ou médical. Plusieurs pays ont légalisé sa culture et sa consommation. Du coup, beaucoup d’entreprises se sont engouffrées dans la voie de ce marché international en pleine expansion. Israel, à la pointe de l’innovation en recherche et développement, s’est bien sûr largement engagé dans ce domaine si prometteur, que ce soit en santé, en cosmétique ou en cuisine : culture, analyse chimique, distillation, biotechnologie, galénique, applications pour mobile, etc.
Ainsi en septembre dernier, CannX a accueilli près de 1.000 participants de plus de 40 pays, parmi lesquels l’Allemagne, l’Estonie, le Japon, le Lesotho, la Pologne, la Slovénie, la Suisse, l’Ukraine et le Vietnam. La délégation étrangère la plus nombreuse était celle d’Amérique du nord comprenant les Etats-Unis et le Canada.
Lors de ces deux journées de rencontres, les exposants ont dévoilé les ultimes avancées en médecine, agriculture et technologie liées au cannabis. Un des prestigieux conférenciers n’était autre que Raphael Mechoulam (voir Israel Magazine nº), Professeur de chimie médicale à l’Institut de recherche sur les drogues de Jérusalem, spécialiste mondial de la marijuana pour avoir le premier isolé et identifié le THC, la principale molécule active de la plante. Aussi, les débats scientifiques ont-ils tourné autour de thèmes tels que : la pharmacologie du cannabis, le traitement de l’autisme par le chanvre médical, les nouvelles découvertes en nanotechnologie, l’agro-industrie de la marijanne, le marché et les nouveaux développements de la génétique du cannabis, la régulation/recherche/industrie, etc.

Israel très impliqué dans le chanvre thérapeutique
Selon les dires de plusieurs représentants de sociétés israéliens, le marché du cannabis se développe depuis une dizaine d’années, avec un essor plus particulier ces 4-5 dernières, aussi bien au plan national qu’international. D’ailleurs, la plupart des firmes blanc/bleu présentes à CannX exportent leurs produits à l’étrangers, sous diverses formulations : voie orale, nasale, cutanée, par le biais d’huiles essentielles, crèmes, gélules ou sprays.
Déjà dans le pays, quelques 40.000 à 50.000 patients sont traités au chanvre thérapeutique pour différents symptômes, contre quelques cas seulement dans les années 1990.
La communauté scientifique israélienne participe par-là au dialogue concernant le développement de produits et de traitements ainsi qu`au processus de régulation du cannabis médical. Dans ce cadre, sous l’égide du Ministère de l’Economie et de l’Industrie, l’écosystème israélien se compose d’un partenariat entre recherche, académie, gouvernement, monde médical et pharmaceutique, agro-technologie, start-ups et sociétés leaders (culture, production, distribution, R&D), fournisseurs de service et investisseurs. Avec l’Autorité de la coopération industrielle, le Ministère aide et promeut les investissements étrangers en Israel dans ce secteur par toute une gamme de services pour les soutenir et les optimiser.

Bénéfices thérapeutiques
D’après les soignants, le chanvre médical augmente la qualité de vie des malades sur le plan de la santé physique et psychique, du sommeil et de la sociabilité. Pour eux, le cannabis sert à gérer une variété de signes cliniques. Du reste, les cannabinoïdes sont de plus en plus reconnus comme option de traitement ou comme complément de la pharmaceutique traditionnelles.
En effet, le chanvre contient différents composants actifs dont le fameux THC (tétrahydrocannabinol - molécule agissant sur le psychisme et présentant un potentiel thérapeutique analgésique, anti-vomitif et anti-inflammatoire) ou le CBD (cannabidiol utilisé pour traiter les convulsions, l'inflammation, l'anxiété et les nausées, ainsi que pour inhiber la croissance des cellules cancéreuses, traiter l'épilepsie, la schizophrénie et les troubles du spectre autistique). De la sorte, les recherches concernant les bénéfices de la plante sont en pleins boom, d’autant que d’après les derniers résultats, le CBD contrairement au THC, n’aurait pas d’effets intoxicants. Selon les spécialistes, le cannabidiol qui présente des propriétés médicales intéressantes pour réduire la douleur, se voit actuellement utilisé en soins palliatifs.
Les autres composantes de la marijeanne sont également à l’étude : terpènes (suspectées d’offrir des effets thérapeutiques), flavonoïdes, esters, phénols.
Pour l’heure, le cannabis est prescrit contre la douleur dans la majorité des cas. Mais de nouvelles expérimentations orientent aussi son emploi dans la prévention des addictions aux opioïdes, leurs substituts et le traitement des dépendances aux psychotrope de synthèse.

Une plante pas si anodine
Si le débat sur l’utilisation du cannabis dans le champ médical ne fait plus de doute, la question demeure cependant ouverte quant à ses applications exactes, le panel concerné et la posologie. En effet, médecins, chercheurs et académiques discutent du bien-fondé d’étendre la prescription de la plante à toute une catégorie de patients.
Par contre, la polémique autour de la marijuana récréative ne met pas tout le monde d’accord. Interrogé par Israel Magazine, le Professeur Elyad Davidson, Directeur de l’unité de soulagement de la douleur au Centre médical universitaire Hadassa de Jérusalem, rappelle que le cannabis, connu depuis des millénaires, est une plante qui intéresse tout le monde aujourd’hui pour ses nombreuses composantes. Cependant, la particularité de ce végétal qui comprend différents types, réside dans le fait qu’il peut être utilisé tant dans le registre médical que dans le récréatif. D’où le problème et la confusion qui règne dans le public. En effet, le docteur Davidson précise que ‘’le cannabis est un médicament. Comme tel, il peut provoquer des complications, des dommages et des effets secondaires. Par exemple, une baisse de la motivation chez les jeunes ou déclencher une schizophrénie’’ chez certains patients. Selon lui, les psychiatres voient apparaitre dans leur cabinet de plus en plus de dépressifs, de personnes instables, d’anxieux, de malades mentaux victimes d’absorption d’une trop grande quantité de THC. ‘’C’est une drogue dangereuse. Elle peut affecter la mémoire, la cognition et conduire à la démence. Elle cause aussi des problèmes cardiaques’’ note le médecin. En cela, il insiste sur le fait que la plante n’est pas anodine. Le Professeur Davidson pointe donc le discours, selon lui, irresponsable des politiques concernant la légalisation du cannabis comme substance récréative et l’amalgame qu’il entraine dans l’esprit des citoyens.

Noémie Grynberg / Israel Magazine 2019