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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Ces anges gardiens qui veillent sur nous : des héros ordinaires

 Photo : Noémie Grynberg

Depuis le début de l’intifada, les unités de patrouille de la police de Jérusalem sont sur la ligne de front. La capitale, depuis longtemps considérée comme une poudrière, s’est révélée être une des positions les plus exposées aujourd’hui du fait de sa particularité socio-démographique, politique et religieuse.

En plus d’être le siège du parlement et des ministères, Jérusalem présente une singularité par rapport aux autres villes d’Israel : étant la plus peuplée, elle compte tout à la fois la plus grande population arabe et orthodoxe du pays. Ceci n’est pas simple à gérer pour les forces de police qui doivent agir simultanément sur tous les fronts. De plus, la tension entre les communautés augmente considérablement le nombre d’incidents. La population très éprouvée par la situation est devenue plus craintive. En fait, la Police de Jérusalem est la plus sollicitée de tout le territoire national.

Elle se divise en quatre zones : le secteur Zion au centre et au nord de la ville, le secteur Moria au sud, le secteur Shalem à l’est et le secteur David pour la Vielle ville.

Les patrouilles se composent de plusieurs unités qui se relayent 24 heures sur 24 en 3/8, 365 jours par an. Pour elles, pas de Shabat ni de fêtes ! Ses policiers peuvent travailler jusqu’à 210 ou 220 heures par mois sans pour autant que ces heures supplémentaires ne leur soient payées.

 

Chaque unité comprend les permanents auxquels s’adjoignent des appelés hommes ou femmes du service militaire. Les patrouilles accueillent et encadrent aussi des volontaires qui les accompagnent dans leurs rondes.

La moyenne d’âge s’établit autour de 26 ans. Les responsables de secteur dirigent les nouveaux impétrants. Les patrouilles intègrent de nombreux nouveaux immigrants, surtout russes et éthiopiens, mais aussi des Druzes, Bédoins et Arabes israéliens.

‘’Ce métier nécessite une très bonne aptitude physique, une rigueur éthique, morale et intellectuelle, du sang-froid et une maîtrise de soi  pour prendre les bonnes décisions rapidement dans le feu de l’action et l’urgence de la situation’’ affirme David Nahamias, un des officiers de l’unité. Il précise : ‘’Après mon service militaire dans une unité combattante, j’ai pensé naturellement continuer dans le sécuritaire car cette mission me plaisait’’. En effet, beaucoup d’anciens soldats des ces unités décident de poursuivre leur carrière dans la patrouille. Pour chaque postulent, une enquête de sûreté personnelle très poussée est menée.

Les conditions de recrutement dans la patrouille sont identiques à celles des autres corps de police mais la demande en personnel y est beaucoup plus élevée qu’ailleurs du fait des exigences que cette tâche impose, de la somme de travail hebdomadaire à fournir et des risques particuliers que connaît la capitale. C’est pourquoi, la police de Jérusalem se distingue de la police nationale. En plus de la formation théorique et pratique, le métier s’apprend essentiellement sur le tas.

Les patrouilleurs sont des flics de terrain. Métier très physique, ils doivent rester au meilleur de leur forme et de leurs capacités, condition essentielle.

Les femmes aussi…
Le métier s’est beaucoup féminisé. Malgré cela, l’ambiance reste assez machiste. L’attitude des hommes est protectrice vis-à-vis des femmes policiers. Mais l’autorité de ces dernières s’affirme sur le terrain où elles font leur preuves et acquièrent une place à part entière. Elles jouent un rôle spécifique grâce à leur approche psychologique différente des problèmes à traiter : violence familiale, délinquance des jeunes, fouille des suspects de sexe féminin, etc. En effet, la loi n’autorise pas un homme à fouiller au corps une femme et vis versa. Par contre, les ordres et commandements d’un officier femme à l’encontre de la population arabe mâle sont très mal perçus. Heureusement, les femmes ne se laissent pas intimider et accomplissent leur mission à l’identique de leurs collègues masculins.

La profession s’informatise. Désormais chaque véhicule est équipé d’un ordinateur relié au central par satellite, qui transmet instantanément les informations demandées sur un suspect ou un véhicule.

 

Avant tout policiers de proximité, les patrouilleurs contrôlent leur zone en voiture, moto, bicyclette ou à pieds. Ils pourvoient également aux demandes et appels du public, particulièrement aux urgences du numéro 100 qui leur sont instantanément transmises on-line. Ils s’occupent aussi des constats d’habeas corpus, rédigent les procès verbaux en cas d’accidents de la route ou d’actes criminels, interviennent dans la prévention anti-terroriste et l’approche des suspects, délimitent et sécurisent les lieux d’attentats, etc.

 

Outre le respect de l’ordre, la protection du citoyen, la sécurité, les patrouilleurs doivent aussi faire preuve de psychologie car ils sont confrontés à tous les problèmes de la société israélienne qu’il leur incombe de traiter. ‘’Les policiers sont tout à la fois psychologues, infirmiers, enquêteurs, détectives. La patrouille constitue la base du métier de flic car elle touche à tous les domaines à la fois’’ admet l’officier David Nahamias. Leurs fonctions multiples, diverses et variées constituent l’intérêt du métier, le rendent passionnant tout en leur apportant une satisfaction personnelle.

Ce corps de police est spécialement bien noté. Ceux qui en sortent arrivent à des postes clés dans les autres unités.

Le sens du devoir et le goût du risque
Avant l’intifada, la répartition entre les différentes missions étaient de 80% pour le pénal ou le criminel  et de 20 % pour le sécuritaire. Aujourd’hui, la police de Jérusalem s’occupe autant de l’un que de l’autre. Mais le sécuritaire reste prioritaire tout de même.

Les alertes sont transmise aux patrouilles, via le Central, par les services de renseignements généraux et ceux de la police. Chaque début de mission commence par un briefing détaillé de la situation sur le terrain : programme de la journée, dangers éventuels et avis de recherche. Grâce à la présence et aux performances des forces de sécurité, 80% des attentats sont déjoués à temps.

  

Les patrouilleurs constatent que la pratique de leur métier a fondamentalement changé depuis le début de l’intifada, surtout au niveau du rythme imposé : au lieu des 8 heures habituelles, les policiers, lors d’attentats ou d’opérations spéciales peuvent travailler jour et nuit jusqu’à 12 ou 15 heures d’affilé. En effet, derniers remparts avant les attentats, les patrouilles sont les toutes premières à arriver sur les lieux pour sécuriser la zone, porter assistance aux blessés et assurer le bon déroulement des opérations du personnel médical et des autres unités de police venues en renfort. Elles travaillent en bonne collaboration avec les gardes frontières, les démineurs, les enquêteurs, l’identification judiciaire et différentes unités. Lors d’un attentat, beaucoup racontent leur envie de vomir et leur dégoût de la viande et de son odeur pendant plusieurs semaines. D’autres expliquent leur besoin frénétique de se doucher longuement. Ces drames humains épuisement psychologiquement. Malgré tout, la vie reprend le dessus.

 

La moyenne passée dans la patrouille oscille entre 5 et 7 ans. L’adjudent-chef Arick Zerbib agrée : ``très peu d’agents font toute leur carrière dans ce service car cette unité est très éreintante mentalement et physiquement”. Souvent, ce métier est difficilement compatible avec la vie de famille. Cependant, il existent beaucoup de couples de policiers.

 

Travail d’équipe par excellence, la règle d’or de la patrouille repose sur le principe de ne jamais laisser seul un flic en difficulté. Mais cette unité a quelque chose de plus : c’est une grande famille soudée par les difficultés du travail, où chacun doit se serrer les coudes. Les patrouilleurs ont beaucoup de responsabilités face à la vie et à la mort. Ils se sentent impuissants et découragés parfois, avec un sentiment de frustration ou d’échec lorsqu’ils n’ont pu arrêter ou empêcher un carnage. La vue des morts et des blessés peut les traumatiser comme n’importe quel autre citoyen. L’adjudent-chef rappelle : ``Un flic est avant tout un être humain avec les mêmes sentiments”. Le devoir n’empêche pas l’émotion mais elle ne doit pas prendre le dessus. Le professionnalisme l’emporte. Sur le moment, les policiers ne pensent pas à ce qu’ils voient, ils sont concentrés sur leur travail. Ce n’est qu’après que les sentiments et les sensations fortes resurgissent.

``Psychologiquement, nous sommes atteints par les attentats. Ce n’est pas facile” ajoute A. Zerbib. Certains patrouilleurs ont du mal à parler de ce qu’ils ont expérimenté. ``Ce qui nous fait tenir, c’est le sens du devoir et le goût du risque, une sorte de drogue de ce travail” avoue l’officier Nahamias. Même si le métier est dur, les policiers en sont fiers. Ils ont conscience de participer à l’effort de protection des citoyens et à la sécurité intérieure.

Les actes de bravoure, de courage, d’aide et de soutien à la population ont suscité la plus grande considération du citoyen à leur égard.

Grâce au travail efficace et à la vigilance de ces anonymes dévoués qui chaque jour veillent à notre sécurité, notre quotidien ne se transforme pas en drame à chaque instant. Nous ne les en remercierons jamais assez. Et comme le disent admirablement les Psaumes : ``Voici, il ne dort ni ne sommeille le gardien d’Israel”. Un verset qui s’applique parfaitement à la patrouille de police de Jérusalem…

   

Israel Magazine / Noémie Grynberg 2003

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