Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

70 ans de technologie de l’eau

Water minesDepuis 70 ans, l'innovation technologique qui caractérise l’Etat hébreu se fait également sentir dans le domaine de l'eau nonobstant le manque crucial de ressources hydriques. Un pari audacieux qui paraissait loin d’être gagné d’avance. Et pourtant…          

Durant sept décennies, une des principales contraintes au développement d’Israel a été la pénurie d’eau due à un climat allant du subtropical à l’aride, avec parfois une pluviosité déficitaire. Mais le manque endémique de cette ressource vitale figure aussi à l’origine du formidable élan de la recherche en irrigation, recyclage et dessalement. Les mesures gouvernementales relatives aux quotas d’eau ont optimisé la technologie permettant son utilisation rationnelle : techniques de préservation, arrosage sous pression ou basse pression, goutte à goutte, micro-jets et aspersion. Les kibboutzim engagés dans ce programme ont de même mis au point des méthodes originales et efficaces d’économie telles que la culture en circuit fermé par le filtrage d’eau recyclée pour éliminer azote et germes pathogènes, la récupération de la rosée, etc.

Histoire d’eau
Au début des années soixante, la révolution de l'irrigation au goutte-à-goutte est l'invention de Simha Blass, ingénieur des Eaux et Forêts rêvant de faire « repousser le désert ». Le principe technique extrêmement simple de micro-irrigation sous faible pression alimente uniformément le sol, même sableux, au pied des végétaux qui l’absorbent immédiatement. Cette forme d’arrosage permet des cultures d’arbres fruitiers, de légumes ou de fleurs même en milieu infertile. La méthode permet de réduire la consommation d’eau de 40% à 60% car elle limite au maximum les pertes par évaporation. Dès le début, cette invention connait un rapide succès national et international car elle présente d’autres avantages : l’absence de contact entre l’eau et les feuilles évite leur dégradation et des engrais peuvent être ajoutés à la plante en même temps que l’eau. Ce procédé révolutionnaire permet aussi l’emploi soit d’eaux salées, soit d’eaux résiduaires urbaines ou industrielles, soit d’eaux usées à peine traitées. Adopté par près de trois-quarts des agriculteurs israéliens, le goutte-à-goutte apparaît donc comme le plus efficace en termes d’économie d’eau. A l’heure actuelle, on trouve cette géniale innovation dans 109 pays dont la Chine, l’Inde, l’Australie, l’Amérique du Nord et du Sud et de nombreuses contrées africaines. Elle aide les pays émergeants à atteindre l'autosuffisance alimentaire tout en augmentant leur production agricole, œuvrant ainsi à la lutte contre la pauvreté.
Ce n’est pas tout. Au cours des ans et de son essor, Israel s’est de plus en plus investi dans la guerre de l’eau. De nombreuses options ont été développées comme les techniques de culture sous serre qui ont permis une augmentation de la productivité agricole malgré un climat sec.
Par ailleurs, avec une pluviométrie faible, une technique très efficace de production et de récupération de la rosée a été conçue grâce à des condenseurs fournissant de petites quantités d'eau potable. Ainsi un bac en polypropylène recouvre les racines des plantes pour recueillir la condensation et la diriger directement sur les organes souterrains des végétaux. La nuit, quand un changement de 10 degrés se produit, les gouttelettes se forment sur la surface du récipient qui les guide tout droit aux souches. Ce système offre un rendement maximal : il réduit l’arrosage tout en protégeant la culture contre les mauvaises herbes et les climats extrêmes. Un autre moyen inspiré par les propriétés naturelles de collecte de rosée des feuilles peut extraire de l'air un minimum de 48 litres d’eau fraîche par jour, même dans des endroits isolés et pollués. Ainsi, le « WatAir » rend l'eau propre, douce et potable accessible à des millions de personnes dans le monde.
En outre aujourd'hui, 86% à 90% des eaux usées domestiques rejetées par les villes et villages d’Israel sont traités, purifiés et réutilisés, dont 55% pour irriguer les terres agricoles. Leader mondial dans la gestion de l’eau recyclée et sa récupération pour l'agriculture, l'Etat hébreu devient donc un modèle pour de nombreuses contrées. Autre procédé pour obtenir de l'eau douce : le dessalement d'eau de mer. Depuis 2013, Sorek, au sud de Tel Aviv, est la plus récente et la plus vaste des quatre usines utilisant une technique de filtration sous pression. À elle seule, elle produit chaque année 150 millions de mètres cubes, soit environ 20% de la consommation domestique nationale en été.

Israël, nouvel acteur mondial des technologies de l'eau
Dès 1965, le fameux procédé du goutte-à-goutte est produit de manière industrielle par la société Netafim, installée au Kibboutz Hatzérim dans le Néguev. Aujourd’hui, leader mondial des solutions d’irrigation, serres, culture hors sol, micro assertion, elle exporte 92 % de sa production et calcule son chiffre d’affaires en millions de dollars. Avec 28 filiales, 16 usines de fabrication et plus de 4000 employés dans le monde, Netafim offre une large gamme de solutions innovantes dans plus de 110 pays : goutteurs, asperseurs, automatisme, filtration, injecteurs de fertilisants, goutte à goutte et micro-irrigation pour les cultures plein-champs et sous serre.Netafim
Dans son effort pour transformer l’Etat hébreu en acteur international de premier plan dans ce champ, le gouvernement a créé en juin 2006, le programme national de promotion des technologies de l'eau - Israël NEWTech - dirigé par le ministère de l'Économie et du Commerce, en synergie avec les ministères des Infrastructures nationales, des Sciences, de l’Environnement, des Affaires étrangères, de l’Agriculture, des Finances, du Développement du Néguev et de Galilée, de l’Education et de l’Enseignement supérieur, de l’Industrie, ainsi que de l’Autorité de l'eau, du Conseil des normes, de l’Institut de coopération internationale, des universités et du secteur privé. Grace à lui, l'industrie israélienne de l'eau a augmenté ses exportations de près de 50%, passant de 750 millions de dollars en 2006 à 1,3 milliard de dollars actuellement. Étant donné que le marché mondial de l'eau est estimé à plus de 600 milliards $ et devrait bénéficier d'un taux de croissance de plus de 10% par an dans les années à venir, le plan national fournit aux différents organismes impliqués dans le domaine, une infrastructure de soutien qui encourage l'entrepreneuriat et l'accompagnement, de la phase de recherche et développement à la pénétration sur le marché international.
Au bout de 70 ans, sa technologie innovante a de la sorte fait d'Israël une superpuissance de l'eau.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2018

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