Les 50 ans de la Guerre d’usure : une guerre oubliée

En 70 ans d’existence, Israel a connu de nombreux conflits armés. Mais il en est un dont on parle peu : l’affrontement qui a opposé l’Etat juif à l’Égypte de mars 1969 à août 1970 - la Guerre d’usure, presque oubliée dans l’histoire du pays. Pourtant, cette année marque son cinquantenaire. Rappel.

La Guerre d'usure a quasiment été effacée de l'histoire militaire nationale. Pendant des décennies, elle n'a pas suscité beaucoup d'attention car le public israélien n'a pas été témoin des combats qui se sont déroulés sur les différents fronts à l’époque. Pourtant, de nombreux soldats et commandants la considèrent comme l’une des plus difficiles que le pays ait jamais connues. Et certainement la plus longue : on la surnomme parfois la guerre des 1000 jours. Ce n'est qu'en 2003 que le gouvernement israélien a finalement reconnu l'importance de cette bataille et que Tsahal a commencé à décerner des honneurs à ses anciens combattants.
Après la victoire israélienne éclaire de 1967, l’humiliation sévère et inattendue des régimes arabes demeure tenace. Ils ne peuvent en rester là. Pour eux, le temps de la riposte est venu. D’autant que la région s’avère un enjeu dans la Guerre froide : les Américains soutiennent Israël, les Soviétiques l’Egypte.
De la sorte, de la fin de la Guerre des Six Jours au début de la Guerre du Kippour, Israel connait de nombreux accrochages avec ses voisins sur les fronts nord, sud et est : incidents sur la frontière égyptienne, situation tendue en Jordanie et en Judée-Samarie nouvellement sous contrôle israélien.
L’activité militaire, irrégulière plus que régulière, est incessante. L’échange statique de tirs d'artillerie le long de toute la ligne Bar Lev sur le canal de Suez dégénère rapidement et se transforme en longs affrontements.
Le 8 mars 1969, le Président égyptien Gamal Abdel Nasser, soutenu par des Migs et des équipements sol-air ainsi que des troupes aériennes et terrestres russes, déclenche la Guerre d’usure par des bombardements, des raids aériens, des attaques et embuscades en territoire israélien. On compte des dizaines de blessés dans les rangs de Tsahal. C’est l’escalade. Les offensives égyptiennes le long de la ligne de cessez-le-feu de 1967, mais principalement concentrée le long du canal de Suez, ont pour but de ''casser le moral d’Israël par l’usure”, dixit le Président Nasser. "Notre objectif fondamental sera la destruction d'Israël. Le peuple arabe veut se battre". Ainsi, les Égyptiens ne cherchent pas à réduire l’Etat hébreu à l’impuissance en disloquant son armée, mais à user sa volonté en jouant sur deux faiblesses identifiées : la sensibilité aux pertes humaines et la difficulté à maintenir longtemps un effort de guerre.
Cependant, l’armée israélienne, équipée en avions et armement américain, répond aux agressions par des opérations aériennes et terrestres. Sans compter qu’une confrontation le long de la frontière jordanienne est menée principalement par l’OLP, accompagnée d’un soutien passif de la Jordanie, et qu’au nord, l’Armée Syrienne multiplie les bombardements de postes d’observation, les attaques aériennes et les embuscades.
Seulement cette fois, Israel encore dans l’euphorie de 1967, ne réitère pas son exploit passé. Le pays révèle des failles importantes dans son dispositif stratégique car le chef des renseignements militaires, le général Elie Zeïra, a systématiquement rejeté l’idée que les Arabes puissent à nouveau attaquer l’Etat hébreu. Conséquence : un cout économique et humain élevé (près de 1000 morts), pas de victoire patente, ni de réel succès stratégique. Bref, une guerre éprouvante qui en amènera une autre encore plus brutale : le choc de la Guerre de Kippour.

Noémie Grynberg 2019