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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

La transmission de la Mémoire en France : l'Ardèche et la Drôme donnent l'exemple

Durant la Seconde Guerre Mondiale, l’Ardèche et la Drôme, deux départements de la région Rhône-Alpes, comptaient plusieurs camps d’internement, où furent regroupés, entre autres, les Juifs étrangers transférés de divers autres camps du midi de la France. Que reste-t-il aujourd’hui de cette page sombre de l’histoire de France ? Heureusement, la transmission de la Mémoire n’est pas un monopole juif.

L’Ardèche et la Drôme ont entrepris plusieurs initiatives afin de passer le flambeau du passé aux générations à venir. Dès 1939, la France a installé des camps d’internement pour les "étrangers indésirables". De 1941 à 1945, on en dénombrait environ 600. Dans le département de la Drôme, deux camps, Loriol et Montélimar, ont été ouverts de septembre 1939 à mars 1941, dans d'anciennes usines. Le camp de Montélimar était un centre de rassemblement non gardé qui comptait 550 hommes, femmes et enfants. Celui de Loriol était un centre gardé, aux conditions d'hébergement assez précaires, d’environ 400 internés, surtout Allemands, ainsi que des Autrichiens, Espagnols, et Italiens dont de nombreux Juifs. De janvier à mars 1941, communistes et syndicalistes drômois les y ont rejoints. Max Ernst lui-même y a fait un court passage. Quant au 352ème Groupement de Travailleurs Etrangers (dont beaucoup ont participé à la guerre d'Espagne), il était installé dans une usine désaffectée de Crest et rassemblait des internés de 13 nationalités (dont des Tchèques, Espagnols, Allemands et Autrichiens antinazis). Considérés "en surnombre dans l'économie nationale", ils fournissaient une main d'oeuvre bon marché pour l'agriculture et les coupes de bois. Le GTE alimentait aussi les chantiers du mur de l'Atlantique. Dans des conditions de vie difficiles, sous-alimentés, ils subissaient les sévices d'un chef de camp odieux. Parce qu'ils étaient Juifs, communistes ou antinazis, ils vivaient sous la menace constante des rafles.

En Ardèche, les réfugiés de toute sorte, refoulés des départements du Gard, de la Lozère et de la Haute-Loire, vinrent tripler la population locale. Ce fut le cas en janvier 1944 du Grand Rabbin de France, Isaïe Schwartz, fuyant Lyon pour s’installer en Ardèche sous une fausse identité afin d’échapper à son arrestation par des miliciens. La plupart des Juifs apatrides d’origine polonaise expatriés dans la petite ville de Vinzac au début de la guerre, furent ensuite raflés et envoyés dans les camps nazis. Lors de la grande rafle du 26 août 1942, d’autres réfugiés juifs d’origine autrichienne furent emmenés par les gendarmes français. Pour ces réfugiés juifs, Vinzac ne fut qu’une halte en Ardèche sur le chemin d’Auschwitz, en passant par Drancy.

Comment transmettre cette histoire aux générations qui n’ont pas connu la guerre ? La France est-elle prête à affronter son passé ? Dans la région Rhône-Alpes, les départements de l’Ardèche et la Drôme, semblent avoir trouvé une réponse. En 2002, les villes de Privas, Nyons et Montélimar ont participé au concours national sur le thème ‘’Connaissance de la déportation et production littéraire et artistique’’ destiné aux jeunes collégiens. En tout, près de 400 élèves y ont concouru. Le but consistait à rechercher et à analyser des témoignages et des documents permettant d’approfondir les connaissances sur la déportation et la Résistance dans les camps de concentrations nazis, dans l’optique de perpétuer le travail de mémoire et l’esprit de vigilance auprès des jeunes. Les participants ont eu à étudier des productions littéraires ou artistiques de déportés et montrer dans quelle mesure elles pouvaient contribuer à la transmission de la mémoire. Les élèves ont également dû réfléchir sur le concept de ‘’crime contre la personne humaine’’. Utilisant les nouvelles technologies, un lycée a conçu un CD-Rom retraçant l’itinéraire de la déportation des Juifs de France et des résistants en s’appuyant sur des témoignages et des documents. Chacun des élèves a reçu en récompense de ce travail un livre de Lucie Aubrac, de Primo Levi et de René Remond. Dans ce cadre, Maurice Schiff est venu témoigner de son expérience personnelle de rescapé de la rafle du Vel’ d’Hiv’ et d’interné du camp de Drancy alors qu’il n’avait que 3 ans. Il a également parlé au nom des six millions de Juifs assassinés pendant la Shoah, devant 90 jeunes de troisième du collège de Privas. Il a ainsi pu remarquer l’intérêt que les jeunes ont porté à son intervention, restant très sensibles au thème du racisme, de l’antisémitisme, de l’intolérance. Cette occasion leur a permis de mieux faire le point sur cette période de l’histoire inscrite au programme des classes de troisième. Plusieurs projections de films témoignant de la Shoah ont également été présentées aux élèves dans un but pédagogique.

Un lycée de Montélimar a invité la célèbre résistante Lucie Aubrac à un débat avec une classe de terminale afin qu’elle puisse répondre aux questions que se posent les jeunes. L’accent a été mis sur les valeurs de citoyenneté, de république et de démocratie. Cette année, le thème du concours national était ‘’les jeunes dans la résistance’’. Plus de 20 établissements scolaires du département de l’Ardèche y ont participé, regroupant plus de 550 élèves de la troisième à la terminale. Dans ce cadres, les jeunes ont eu la possibilité de rencontrer d’anciens déportés et résistants afin d’établir un lien trans-générationnel. Les équipes enseignantes et surtout les professeurs d’histoire se sont particulièrement mobilisés. Les lauréats sont partis sur les lieux de mémoire de la Première et Seconde guerre mondiale comprenant : le Mémorial de Verdun, le camp du Struthof, le Musée de la Résistance de Besançon. Enfin, les archives départementales d’Ardèche ont présenté à Privas en mai 2003, une exposition sur les symboles de la Collaboration et de la Résistance. Ces initiatives prouvent que la volonté de transmettre l’histoire et la mémoire ne sont pas uniquement des problèmes concernant la communauté juive mais qu’ils concernent l’humanité entière et surtout les jeunes.

  

Israel Magazine / Noémie Grynberg 2003

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Commentaires

  • balinski

    1 balinski Le 13/06/2012

    je souhaiterais étudier la collaboration en ardéche , l'internement et la déportation des juifs ainsi que le role de la résistance et de ces martyrs. Je remercierais toutes personnes qui pourrait m'aider dans cette voie. merci de me contacter si vous avez eu connaissance de faits de résistances, de collaboration ,quelques soit les faits que vos parents ou grand-parents ont assistés dans ce département. merci pour les personnes qui m'aiderait.

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