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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Une histoire de sang juif

Le nom de Karl Landsteiner est inconnu du grand public. Et pourtant, sa découverte sauve encore des millions de vies chaque jour. En effet, c’est Karl Landsteiner, biologiste autrichien Prix Nobel de Médecine en 1930, qui a découvert les différents groupes sanguins et le facteur rhésus. Une histoire bien saignante.

Karl Landsteiner est né à Vienne en 1868. Son père, docteur en droit, journaliste de renom, meurt alors que Karl n’a que 6 ans. Jeune adulte, Landsteiner entreprend des études de médecine à l’Université de Vienne et obtient son diplôme en 1891. Encore étudiant, Landsteiner entame des recherches en biochimie. La même année, il publie un article sur l’influence du régime alimentaire sur la composition du sang. Pour approfondir ses connaissances en chimie, il passe les 5 années suivantes dans un laboratoire de Zurich puis de Munich.
Revenu à Vienne, Landsteiner devient en 1896 assistant à l’Institut d’Hygiène de cette ville. A cette époque, Landsteiner s’intéresse au mécanisme immunitaire et aux anticorps. De 1898 à 1908, il occupe le poste d’assistant au département universitaire d’Anatomie Pathologique de Vienne avant d’y devenir en 1911, professeur.

Landsteiner apporte sa contribution inestimable aussi bien à l’anatomie pathologique qu’à l’histologie (l’étude des tissus du corps humain) et qu’à l’immunologie grâce à son observation méticuleuse, ses descriptions et sa compréhension de la biologie. Mais Landsteiner sera surtout honoré pour sa découverte en 1901 des groupes sanguins pour laquelle il reçoit le Prix Nobel de Médecine en 1930.
Entre 1901 et 1903, Landsteiner découvre que lors des transfusions sanguines, les globules du sang étranger inoculé s’agglutinent et détruisent les vaisseaux sanguins receveurs, et libèrent l’hémoglobine. Cet incident peut provoquer une jaunisse. Landsteiner pense que les caractéristiques déterminant le groupe sanguin sont héréditaires. Il en conclut que le sang peut être utilisé pour déterminer une paternité.
Son observation n’éveille que peu d’attention jusqu’en 1909 où il répertorie le sang humain en 4 groupes : A, B, AB, et O selon leur type de coagulation. Ceci jette la base de la théorie des donneurs compatibles lors des transfusions sanguines. Landsteiner prouve que la transfusion entre individus de groupe A ou B ne provoque pas la destruction des nouvelles cellules sanguines. Cette catastrophe ne se produit que lorsqu’une personne est transfusée avec le sang d’une personne appartenant à un groupe différent. Par exemple, un individu du groupe A possède des anticorps appelés anti-B dirigés contre les globules du groupe B. De même, une personne du groupe B possède des anticorps anti-A. Un individu du groupe AB ne possède ni anticorps anti-A ni anticorps anti-B. Elle peut recevoir du sang venant de n'importe quel groupe sanguin : c'est le receveur universel. En revanche, une personne du groupe O possède les 2 types d'anticorps anti-A et anti-B. Elle ne peut recevoir du sang que du groupe O mais elle peut donner son sang à n'importe quel groupe sanguin : c'est le donneur universel. Que se passe-t-il quand des globules A rencontrent des anticorps anti-A ? Les globules rouges s'agglutinent les uns contre les autres formant une sorte de caillot ce qui entraîne inévitablement la mort de l'individu. C'est ce phénomène "d'agglutination" qui est d'ailleurs utilisé pour identifier les groupes sanguins.

Jusqu’en 1919, après 20 ans de travail sur l’anatomie pathologique, Landsteiner aidé de ses collaborateurs, publie de nombreux articles sur ses recherches en immunologie. Il découvre de nouveaux faits concernant l’immunologie de la syphilis. Ainsi, il contribue fondamentalement à la connaissance de l’hémoglobine.
Il démontre également que les causes de la poliomyélite peuvent être transmises aux singes en leur injectant une préparation prélevée dans la moelle épinière d’enfants morts de cette maladie. Manquant de singes pour poursuivre ses recherches, Landsteiner part à Paris, à l’Institut Pasteur qui lui fournit des animaux de laboratoire. Il y travaille et pose les fondements de la connaissance des causes et de l’immunologie de la poliomyélite.

En 1919, suite à la première Guerre Mondiale et au démantèlement de l’Empire austro-hongrois, l’Autriche connaît une situation difficile. Dans ces conditions, Landsteiner ne voit plus son avenir en Autriche. Il obtient une nomination à La Hayes, en Hollande. De 1919 à 1922, Landsteiner publie 12 articles sur ses découvertes à propos de la reproduction des protéines ainsi que sur les spécificités sérologiques de l’hémoglobine de différentes espèces animales. Puis, l’Institut Rockefeller de Recherche Médicale, basé à New York offre à Landsteiner un poste. Karl Landsteiner s’installe aux Etats-Unis avec sa famille et devient citoyen américain. C’est là qu’il effectue son principal travail sur les groupes sanguins et sur le facteur rhésus, une substance contenue dans le sang responsable de divers accidents lors de transfusions ou de grosses pathologiques. Le facteur rhésus détermine certains anticorps. Si vous êtes rhésus positif, vous possédez certains anticorps. Si vous êtes rhésus négatif, vous ne les possédez pas. En effet, le facteur rhésus tient une grande importance en obstétrique et en médecine clinique. Jusqu’à la fin de sa vie, Landsteiner continue d’étudier les groupes sanguins et la chimie des antigènes (substance agressive pour le corps telle le microbe), des anticorps (substance défensive de l’immunité du corps) et d’autres facteurs immunologiques existant dans le sang. Un des grands mérites de Landsteiner est d’avoir introduit la chimie dans le service de sérologie.

Très exigent pour lui-même, Landsteiner possède une infatigable énergie de faire progresser la science. Durant sa vie, il s’est toujours intéressé à beaucoup d’autres disciplines que celles dans lesquelles il travaillait.
En 1939, Landsteiner devient Professeur Émérite à l’Institut Rockefeller.

En 1943, victime d’une attaque cardiaque dans son laboratoire, il meurt une pipette à la main.


Israel Magazine / Noémie Grynberg 2006

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