Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Festival Culturescapes : pour un rapprochement des cultures

culturescapes.jpgCulturescapes est un événement interdisciplinaire annuel créé à Bâle en 2003. Son but cherche à cultiver un échange artistique entre les pays. Chaque année, le festival helvétique coopère avec une contrée différente. En 2011, il a choisi collaborer avec Israël. A l’occasion de son court passage à Tel-Aviv début juillet, nous avons rencontré l’initiateur du projet, Jurrian Cooiman.

Jurrian Cooiman est né en Hollande mais vit en Suisse depuis 1994. Diplômé de l’Université de Bâle en Gestion Culturelle, il produit et organise des spectacles de théâtre et de danse, entre autre. Depuis 2008, il est aussi membre du Parlement Européen pour la Culture.

Jurrian Cooiman, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le festival Culturescapes ?
J. C. : Comme son nom l’indique, il s’agit de connecter différentes cultures, de relier la vie suisse avec celle d’autres pays par le biais de galeries, de cinémas, d’expositions, de concerts, etc. Les échanges visent à donner au public une perception des divers arts, un tour d’horizon des autres cultures. Je suis une sorte d’intermédiaire. Cette année, le thème choisi est Israël. La Suisse veut participer à cet important dialogue créatif avec ce pays. Mi septembre, le festival débutera à Bâle et pendant trois mois proposera à travers la Confédération des artistes israéliens dans plus de 40 projets : danse, théâtre, musique, arts visuels et littérature. Des intervenants comme la Batsheva Dance Company, Amos Oz, Meir Shalev, le Théâtre Habimah et bien d'autres y participeront. En Israël, le festival commencera officiellement le 5 octobre et durera deux mois. Il accueillera également plus de 40 événements à travers le pays avec les artistes helvétiques les plus renommés en musique, cinéma, littérature, danse et de nombreux autres événements. En fait, Culturescapes Israël en Suisse sera plus important que la saison suisse en Israël.

Pourquoi et comment avez-vous choisi Israël cette année comme partenaire ?
J. C. : C’est un choix personnel qui découle de négociations privées, de contacts noués ici (Yasmin Levy ou Eydan Rayhel) et de mes propres recherches par le biais de la presse, de la littérature pour mieux connaitre le pays. Israël est important dans ma vie, mon horizon. C’est en février 2010 que j’ai commencé à m’y intéresser. J’ai alors découvert la vraie substance de la culture israélienne. Je l’ai assimilée avec le cœur, la tête. Selon moi, il n’y a pas plus dense ni plus complexe que cette culture.

Est-ce la première fois que vous venez en Israël ?
J. C. : Non. La première fois, c’était l’an dernier, grâce à l’invitation de l’ambassade d’Israël à Berne. Par contre, c’est la première fois que se produira un festival suisse en Israël. Ce qui sert aussi d’étude de cas : comment procéder ici par rapport à la Suisse où tout est tellement organisé ?

Comment percevez-vous le pays ?
J. C. : Très honnêtement, je suis enthousiaste. Ici, on voit différentes couches de cultures, de groupes ethniques, de cuisines. Ce n’est pas seulement superficiel. Il y a de l’Histoire dessous. Malheureusement, en Europe les médias sont limités dans leur perception d’Israël. Ils ne s’intéressent qu’aux problèmes des frontières, des tensions. La presse n’évoque jamais le reste, la culture. Elle ne voie qu’un seul côté. Les médias sont négatifs sans même être venus en Israël.

Que pensez-vous du monde artistique israélien en général ?
J. C. : C’est un miracle pour un si petit pays d’avoir une culture si riche, si ouverte. Le programme du festival qui la reflètera sera intéressant et large : littérature, cinéma, vidéo art, etc. Tout ce qui représente vraiment la culture israélienne d’aujourd’hui.

Comment réagissez-vous à la campagne de boycott suisse à l’encontre de votre partenariat avec l’Etat hébreu ?
J. C. : Je suis contre le boycott. Selon moi, c’est une fausse, une mauvaise voie même si on est en désaccord. Boycotter la culture ou la politique, cela veut dire arrêter de parler, ce qui ne mène à rien. Je suis pour un échange critique. Moi, je souhaite me battre pour le festival. Puisqu’il y a boycott, je suis là pour protester contre cet ostracisme. J’ai envoyé une lettre soutenant le dialogue à tous les sponsors pour qu’ils ne se laissent pas influencer par l’agressivité des pro-boycotts. Certains partenaires, sous la forte pression des pro-Palestiniens, se sont déjà retirés du projet pour montrer un ‘’signe’’. J’ai donc perdu des sponsors. Et du fait que le festival coopère avec Israël, j’ai plus de mal à trouver de l’argent. Par conséquent, je cherche des soutiens car je manque de budget en Suisse.

Est-ce la première fois que vous vous heurtez à ce genre de réaction ?
J. C. : De cette ampleur oui. Même lorsque nous avons organisé le festival avec la Turquie ou la Chine, nous n’avons pas eu de tels effets. Rien de comparable pour les autres pays. Pour Israël, je ne m’attendais pas à un boycott mais plutôt à des réactions fortes. Le mouvement BDS (boycott, désinvestissement, sanction), sous la houlette du Palestinien Omar Barghouti, se montre agressif dans son ‘’dialogue’’. Il prône des sanctions à l’encontre de tout ce qui touche à Israël. Pourtant, je lui ai proposé d’intervenir au sein du festival mais il a refusé de s’y associer. Certains participants me disent : ‘’pourquoi avoir choisi un pays si difficile ?’’. Heureusement, quelques autres en Suisse affirment ‘’nous voulons cet échange’’.

Art et politique sont-ils liés selon vous ?
J. C. : Oui bien sûr. Ils ont toujours été auto-connectés. L’art est dirigé par un système politique, le reflète sinon on aboutit à ‘’l’art pour l’art’’.

Qu’attendez-vous de particulier de ce festival entre la Suisse et Israël ?
J. C. : Pour l’instant, il n’existe que très peu d’échanges culturels entre les deux pays. Malgré les manifestations et perturbations auxquelles je m’attends pendant le festival, j’espère que Culturescapes ouvrira sur plus de coproductions. Il présent l’occasion pour le public israélien de découvrir le monde créatif suisse et inversement. Un échange intéressant en perspective.


Noémie Grynberg 2011

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