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Noémie Grynberg Penser le monde : information et analyse

Stopper la maltraitance et la violence dans le monde religieux

Ces dernières années, les medias ont révélé de plus en plus de cas de maltraitance et de violence dans le monde religieux en Israël comme à l’étranger. Aujourd'hui, beaucoup de communautés juives se demandent comment prévenir et combattre ce phénomène domestique et institutionnel dans des lieux sensés protéger et protégés.

Dans le milieu religieux en Israel et à l’étranger, des milliers de cas de violence se produisent chaque année, sans que cela se sache forcément. La plupart des incidents reste non déclarée car les victimes n’osent pas porter plainte. Elles se murent dans le silence, la peur et la honte, sans recourir ni à la loi, ni aux structures d’aide. Ainsi, peu de sanctions sont prises à l’encontre des agresseurs.
En 1993, le Centre d’aide aux femmes religieuses a été créé à Jérusalem afin de secourir celles en situation de détresse. L’ONG propose à ce public une assistance téléphonique où exposer ses problèmes afin de recevoir les conseils et l'aide nécessaires. Contrairement aux autres associations de ce type, la hot line de ce centre met les plaignantes en contact avec des femmes qui comprennent le contexte de leur vie quotidienne donc plus à même de préconiser des solutions tenant compte des contraintes religieuses.
Face à l’ampleur du phénomène, en 2010, Yaakov Ariel, le Grand Rabbin de Ramat Gan, avait publié une décision rabbinique majeure : « tout homme qui bat sa femme ne doit plus être en mesure de participer à une prière ou à une quelconque activité juive ». Il avait également jugé que le mari violent devait être excommunié.
En 2012, le Docteur Mally Schori-Biton, criminologue et thérapeute de couple au Centre universitaire d’Ariel, a présenté la première étude sur les violences conjugales dans le monde ultra-orthodoxe en Israel. Celle-ci a révélé que certaines haridiot étaient battues. Quelques une ont avoué que « leurs maris les avaient forcé à avoir des rapports sexuels contre leur volonté. Acte considéré par la loi comme un viol ». D’autres ont souligné que leurs époux pouvaient « les humilier en se moquant de leur niveau de religiosité ». Très souvent, la situation financière précaire et la pauvreté constituent un des facteurs favorisant la violence au sein des foyers ultra-orthodoxes. Mais dans un souci de sauvegarder une « bonne » image de leur communauté et de protéger leur famille, les femmes haridiot éprouvent davantage de difficultés à dénoncer publiquement la maltraitance dont elles sont victimes et par conséquent, à sortir du cycle de la violence. Cependant, de plus en plus conscients de l’existence de ce problème au sein même de leur communauté, les rabbins œuvrent davantage à sensibiliser le monde orthodoxe.
Aussi début décembre 2014, le Centre de soutien aux femmes religieuses a organisé à Jérusalem trois jours de conférences autour du thème « La communauté juive face à la violence et aux abus », en coopération avec des associations et organismes de lutte contre la violence et la maltraitance au sein des familles, parmi lesquels le ministère des Affaires sociales, le réseau des professionnels religieux et ultra-orthodoxes de la santé mentale, et le collège universitaire de Jérusalem. Quelque 150 spécialistes, experts et dirigeants communautaires de tous horizons religieux se sont réunis pour discuter de la question. Rabbins, éducateurs, enseignants, parents, psychologues, travailleurs sociaux, avocats, médecins se sont penchés, à travers le prisme juif, sur les cas de violence domestique, de viol, d’abus sexuels et de harcèlement, ainsi que sur leur détection et prévention. Des programmes d'éducation sexuelle destinés aux écoles religieuses et ultra-orthodoxes d'Israël ont notamment été présentés. Selon la directrice du Centre de soutien aux femmes religieuses, Debby Gross, « il s'agit d'un événement historique, une conférence internationale qui réunit des rabbins et des professionnels de tous les courants : ultra-orthodoxes, Hassidim, laïcs et religieux du monde entier. Tous ensemble proclament l’arrêter la violence physique, sexuelle et verbale dans la société. Nous disposons de suffisamment de connaissances dans ce domaine pour y parvenir et l'objectif de cette conférence est de permettre à toutes les communautés d'acquérir les outils nécessaires pour améliorer la société et en faire un endroit plus sain. » « La coopération et la coordination entre les communautés dans les différents pays est fondamentale. Ces questions traversent les frontières nationales » a déclaré de son côté le rabbin Yosef Blau, conseiller religieux à la Yeshiva University de Jérusalem. « Le fait que tant d’organisations et d’institutions orthodoxes du courant traditionnel participent, que des hommes politiques et que le grand rabbin d’Israël viennent s’exprimer signifie que la communauté haredit accepte le fait que nous avons dans nos rangs, nous aussi, des agresseurs sexuels et des auteurs de violence conjugale » a-t-il affirmé.
Les orthodoxes ont été lents à reconnaitre le phénomène de la violence sexuelle car pour eux a priori, tout fidèle respecte les préceptes bibliques. De plus, les haredim ont souvent tendance à éviter toute forme d’interactions avec des autorités extérieures. « Se rendre aux autorités locales est considéré comme aller dénoncer d’autres Juifs » a expliqué Shoshannah Frydman, directrice d’un service lié à la violence familiale au Metropolitan Council on Jewish Poverty de New York. Ainsi, seuls les cas extrêmes de violence conjugale dans les familles orthodoxes sont rapportés à la justice pénale. « Enseigner à des jeunes enfants ce que sont des attouchements inappropriés est quelque chose qui commence lentement à se faire » a assuré Rina Klein, psychologue hiérosolomytaine qui travaille avec les cas d’abus sexuels sur les enfants. Au demeurant, en marge de la conférence, des tracts comportant les « Dix Commandements de la protection » ont été distribués aux élèves des écoles de Jérusalem. Une initiative à suivre.


Noémie Grynberg / Israel Magazine 2014

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